Catégories
Flash Info

Adoption du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire : décryptage

Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire (dit « projet de loi obligation vaccinale et passe sanitaire ») a été définitivement adopté ce dimanche 25 juillet par le Parlement.

Le texte, disponible ICI, compte de nombreux changements par rapport aux premières annonces gouvernementales et au projet initialement adopté par l’Assemblée nationale (voir notre flash info du 23 juillet). La rédaction définitive laisse également place à des incertitudes et difficultés d’interprétation inopportunes pour les employeurs devant gérer la mise en œuvre de ces mesures durant la période de congés estivaux.

Décryptage des principales mesures sociales du texte liées notamment au « passe sanitaire » et à l’obligation vaccinale.

Passe sanitaire dans les ESSMS ?

Le chapitre 1 de la loi concerne les « dispositions générales » applicables à de nombreux secteurs dont les ESSMS, s’agissant en particulier du passe sanitaire. À la différence du chapitre 2 de la loi qui liste d’ores et déjà les établissements concernés par l’obligation vaccinale, la mise en œuvre du passe sanitaire est conditionnée à un décret du Premier ministre à paraître.

Par conséquent et à la lecture du texte, certains ESSMS pourraient à la fois être soumis aux dispositions relatives au passe sanitaire (Chapitre 1) et à l’obligation vaccinale (Chapitre 2).

Dans ce contexte, l’articulation entre ces dispositions ne serait pas sans difficulté puisque les conséquences juridiques pour les salariés « en défaut » diffèrent sensiblement selon qu’il s’agisse de l’absence de passe sanitaire ou de vaccination.

Il conviendra naturellement d’attendre le contenu des dispositions réglementaires pour être fixé.

  • Structures concernées par le passe sanitaire : la liste réglementaire en attente

Jusqu’au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut notamment subordonner l’accès à certains lieux à la présentation du « passe sanitaire » : résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid‑19, justificatif de statut vaccinal ou certificat de rétablissement.

Au sein des services et établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux, le pass sanitaire pourra ainsi être applicable :

  • Dès la promulgation de la loi, au public, sauf en cas d’urgence, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés ;
  • À compter du 30 août 2021, aux « personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue » : le texte ne définit pas quelles sont ces « intervenants » mais il devrait s’agir des professionnels et bénévoles, comme le soulignait le Conseil d’État dans son avis du 20 juillet ;
  • À compter du 30 septembre 2021, aux mineurs de plus de douze ans.

Par conséquent, tous les ESSMS ne seront pas concernés : il conviendra d’attendre le décret pour connaître la liste des structures concernées, le pouvoir réglementaire devant déterminer cette liste en fonction de la vulnérabilité du public accueilli.

  • Conséquences pour les salariés non titulaires du passe sanitaire dans les ESSMS concernés

Lorsqu’un salarié travaillant dans une structure soumise au passe sanitaire ne présente pas les justificatifs requis, il peut, avec l’accord de son employeur, poser des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. Ni le salarié ni l’employeur ne sont ainsi dans l’obligation d’accepter une telle pose de congés.

À défaut ou si ces jours de congés sont insuffisants, l’employeur notifie au salarié, le jour même et par tout moyen (SMS, mail, courrier remis en main propre…) la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis. En pratique, cette situation risque de poser de sérieuses difficultés liées à la gestion du remplacement du salarié et à sa reprise « sans délai » du travail une fois les justificatifs produits.

Par suite, lorsque cette situation se prolonge au‑delà de trois jours travaillés, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.

En revanche, le Parlement s’est accordé pour abandonner la possibilité de licencier pour cause réelle et sérieuse le salarié qui ne pourrait plus exercer son activité.

De façon pour le moins surprenante, les parlementaires ont conservé la faculté de rupture anticipée du CDD et du contrat de mission à l’initiative de l’employeur.

Interrogations. En premier lieu, le texte ne précise pas les modalités de l’entretien lié à la suspension du contrat de travail : dans quel délai doit-il être tenu ? Le salarié peut-il être assisté et le cas échéant par qui ? Dès lors que le salarié ne peut avoir accès à l’établissement faute de passe sanitaire, peut-il avoir lieu au téléphone ou en visio ? Un compte-rendu doit-il être établi ?

Par ailleurs, si l’employeur est tenu d’échanger avec le salarié sur les « possibilités d’affectation » sur un autre poste non soumis à l’obligation de passe sanitaire, quelle est la portée réelle de cette obligation ? L’employeur encourt-il un risque lié à un défaut de « reclassement temporaire », au-delà de la seule question de l’obligation d’exécution loyale du contrat de travail et alors même que la situation résulte du fait du salarié ?

Aussi et de façon paradoxale, ces dispositions apparaissent à la fois plus légères et plus étendues que les procédures « classiques » de reclassement – non temporaire – liées à l’inaptitude ou au licenciement économique :

  • Plus légères, car textuellement, le législateur ne soumet pas à l’employeur une obligation de reclassement, l’étude des possibilités d’affectation n’étant qu’un « sujet » d’échange avec le salarié sur les moyens de régulariser sa situation. Or, l’on voit mal comment il appartiendrait à l’employeur d’être tenu de régulariser lui-même, par le biais d’une réaffectation, la situation du salarié résultant de son propre fait ;
  • Plus étendues, car le texte se veut particulièrement lacunaire : tel que rédigé, la réaffectation pourrait être envisagée sur des postes non « équivalents », comme cela est le principe en matière de reclassement. L’emploi de l’adverbe « notamment » sous-entend également que d’autres moyens de régularisation pourraient être envisagés, comme le recours au télétravail total ou partiel.

Contrairement à ce qui est prévu pour les salariés soumis à l’obligation vaccinale (v. ci-après), le texte ne précise pas que la période de suspension contractuelle pour défaut de passe sanitaire ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels liés à l’ancienneté, ni que le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.

Obligation vaccinale dans les ESSMS

  • Personnels soumis à l’obligation vaccinale

Doivent notamment être vaccinés contre la covid‑19, sauf contre‑indication médicale reconnue :

  •  les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé (art. L. 6111‑1 du CSP), les centres de santé (art. L. 6323‑1 du CSP) et les maisons de santé (art. L. 6323‑3 du CSP), les ESMS mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l’article L. 312‑1 du CASF, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail, les établissements mentionnés à l’article L. 633‑1 du CCH destinés à l’accueil des personnes âgées ou handicapées qui ne relèvent pas des ESMS mentionnés aux 6° et 7° du I de l’article L. 312‑1 du CASF, les résidences‑services (art. L. 631‑13 du CCH), les habitats inclusifs (art. L. 281‑1 du CASF) ;
  • Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du CSP ainsi que les personnes faisant usage du titre de psychologue, de psychothérapeute, d’ostéopathe ou de chiropracteur ;
  • Les étudiants des établissements préparant à l’exercice de ces professions ainsi que les personnes travaillant dans les mêmes locaux que ces professionnels.

Un décret doit déterminer les conditions de vaccination contre la covid‑19 de ces personnes, les différents schémas vaccinaux et le nombre de doses requises.          

Si cette obligation s’applique à compter du lendemain de la publication de la loi, les parlementaires ont prévu une période transitoire :

  • Jusqu’au 14 septembre 2021, le personnel concerné pourra travailler en présentant le résultat d’un examen de dépistage virologique négatif au covid-19 (pour sa durée de validité) ;
  • À partir du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021, sont autorisées à exercer leur activité les personnes soumises à l’obligation vaccinale qui, dans le cadre d’un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l’administration d’au moins une des doses requises, sous réserve de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid‑19.

À noter que contrairement au passe sanitaire, aucune limitation de durée n’est prévue pour l’obligation vaccinale. Toutefois, un décret pris après avis de la Haute Autorité de santé pourra, compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques, suspendre l’obligation vaccinale pour tout ou partie des personnes concernées (à l’image de la suspension opérée en 2006 pour le vaccin contre la grippe et en 2020 pour la typhoïde).

Ainsi, l’obligation vaccinale ne concerne pas que les soignants. Comme l’exposait déjà l’étude d’impact du projet de loi, « l’obligation s’applique aux professions réglementées comme aux professions non réglementées qui sont susceptibles d’être le plus en contact avec les publics fragiles, plus sensibles au virus du SARS-CoV-2. Cette obligation permettra de limiter le risque de contamination par des professionnels ou bénévoles des secteurs sanitaires, social et médicosocial ou au sein des structures dans lesquelles ces personnes exercent leur activité. »

En revanche, l’obligation vaccinale ne s’applique pas aux personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux dans lesquels les personnes soumises à l’obligation vaccinale exercent ou travaillent.

De notre lecture, les personnels des sièges administratifs ne devraient pas non plus être concernés dès lors qu’ils n’exercent pas leur activité dans l’un des ESSMS listés par la loi.

À noter également que lorsque l’employeur constate qu’un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité depuis plus de trente jours, il doit en informer le conseil national de l’ordre dont ce professionnel relève.

  • Conséquences pour les salariés non vaccinés

La rédaction du texte définitif soulève des incertitudes, dans la mesure où les conséquences sur le contrat de travail prévues en matière de passe sanitaire (Chapitre 1) ne sont pas reprises dans les mêmes termes en matière d’obligation vaccinale (Chapitre 2).

Le texte prévoit que lorsque l’employeur constate qu’un salarié ne peut plus exercer son activité compte tenu du non-respect de l’obligation vaccinale, il doit l’informer sans délai des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi, à savoir la suspension de celui-ci sans rémunération, ainsi que des moyens de régulariser sa situation.

Comme pour le défaut de passe sanitaire, le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer faute de vaccination peut mobiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. En revanche, le texte ne prévoit pas d’obligation de convoquer le salarié à un entretien et d’échanger avec lui sur les facultés de réaffectation au sein de l’entreprise.

Là encore, la suspension du contrat de travail cesse de plein droit dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité. Cette fois, le texte précise expressément que cette période de suspension ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (disposition d’ordre public).

Comme pour le passe sanitaire, la possibilité de licencier pour une cause réelle et sérieuse le salarié ne respectant pas l’obligation vaccinale a été supprimée.

Toutefois, la faculté de rupture anticipée du CDD à l’initiative de l’employeur pour défaut de vaccination n’est pas prévue. En revanche, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.

Autres dispositions

  • Autorisation spéciale d’absence rémunérée

Une autorisation d’absence rémunérée et assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou liés à l’ancienneté est octroyée :

‒ Aux salariés, stagiaires et agents publics se rendant aux rendez‑vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid‑19 ;

‒ Au salarié, au stagiaire ou à l’agent public qui accompagne le mineur ou le majeur protégé dont il a la charge aux rendez‑vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid‑19.

  • Information et consultation du CSE

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’employeur informe, sans délai et par tout moyen, le CSE (ou le cas échéant le CSEC) des mesures de contrôle résultant de la mise en œuvre des obligations liées au passe sanitaire et à l’obligation vaccinale.

L’avis du CSE – qui implique donc une consultation – peut intervenir sous un mois (contre 2 mois initialement prévus) à compter de la communication par l’employeur des informations sur lesdites mesures.

Saisine du Conseil constitutionnel

Comme attendue, une première saisine du texte vient d’être enregistrée par le Conseil constitutionnel, lequel a d’ores et déjà précisé qu’il rendra sa décision le 5 août.

La promulgation de la loi est donc logiquement attendue pour le 6 août.

Catégories
Flash Info

Les avancées du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire

Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire (ou « passe sanitaire et obligation vaccinale ») a été adopté cette nuit en première lecture par l’Assemblée nationale.

Le texte adopté est disponible ICI (avec lien vers les amendements adoptés en séance publique).

Les principales modifications, en lien avec l’avis récent du Conseil d’État, sont les suivantes :

● Doivent être vaccinés contre la covid-19, sauf contre-indication médicale reconnue, l’ensemble des personnes visées à l’article 5 de la loi, dont notamment les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du CSP et dans les ESMS mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l’article L. 312-1 du CASFà l’exception des travailleurs handicapés d’ESAT et des personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux.

● Ces personnes doivent établir satisfaire à leur obligation vaccinale en présentant le justificatif de statut vaccinal sous une forme permettant seulement à leur employeur de s’assurer que ces personnes ont satisfait à cette obligation, lorsqu’elles sont salariées ou agents publics. Pour les autres personnes concernées, les ARS compétentes accèdent aux données relatives au statut vaccinal de ces mêmes personnes, avec le concours des organismes locaux d’assurance maladie.

● Les personnes soumises à l’obligation vaccinale peuvent autoriser leur employeur ou l‘ARS compétente à conserver le justificatif de statut vaccinal concernant la covid 19 jusqu’à la fin de l’obligation vaccinale.

Il pourra être opportun d’élaborer un « formulaire-type » à diffuser auprès des établissements pour recueillir l’accord des personnels concernés.

● Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l’obligation vaccinale par les personnes placées sous leur responsabilité.

Cette responsabilité peut avoir des enjeux conséquents, vis-à-vis des autres salariés (obligation de sécurité, potentielle faute inexcusable) comme des usagers.

● Lorsqu’un salarié ne présente pas les justificatifs et s’il ne choisit pas de mobiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payésce dernier lui notifie par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.

Tel que formulé, il apparaît que l’employeur a l’obligation de procéder à la notification de suspension du contrat de travail du salarié concerné (par mail, SMS, lettre remise en main propre…).

Lorsque cette situation se prolonge pendant une durée de 3 jours, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation.

La convocation à cet entretien apparaît obligatoire. Les modalités de cet entretien ne sont pas précisées (notamment l’assistance ou non du salarié, l’existence d’un délai entre la convocation et l’entretien ou encore la faculté d’entretien à distance).

● Le fait pour un salarié de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée cumulée supérieure à l’équivalent de deux mois de journées travaillées suivant le non-respect de l’obligation justificatifs peut être un motif spécifique constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans ce cas, l’employeur respecte les modalités et conditions définies pour le licenciement pour motif personnel et, pour les salariés protégés, à la procédure d’autorisation auprès de l’administration.

La mention « peut » et non « doit » sous-entend une simple faculté pour l’employeur, lequel pourrait décider de maintenir le contrat de travail du salarié (par exemple en s’accordant sur un congé sans solde). En cas de licenciement et à défaut de précision contraire, le salarié devrait être éligible à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement mais pas à l’indemnité compensatrice de préavis, dans la mesure où il est dans l’impossibilité de l’effectuer.

●  Le CDD peut également être rompu avant l’échéance du terme à l’initiative de l’employeur, sans que des dommages-intérêts pour rupture anticipée ne soient dus. L’indemnité de fin de contrat reste due, à l’exclusion de la période de suspension liée au défaut de présentation des justificatifs. Il en va de même pour les contrats de mission.

●  Le CSE (ou le cas échéant le CSEC) doit être informé et consulté sur les modalités de mise en œuvre de l’obligation vaccinale ainsi que de la subordination de l’accès des personnes au sein de la structure à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, en tenant compte d’une densité adaptée aux caractéristiques des lieux concernés, y compris à l’extérieur, pour permettre de garantir la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus

Pourraient notamment être utilement soumis au CSE le formulaire d’autorisation remis au salarié pour la conservation du justificatif de statut vaccinal ou les modalités de l’entretien sur les modalités de régularisation.

Le projet prévoit que cette consultation pourra être réalisée après la décision de l’employeur et ce dans un délai de 2 mois à compter de la mise en place des mesures de contrôle

Le projet prévoit, par contre, que le CSE est informé sans délai des mesures de contrôle

Prochaine étape : l’examen du projet de loi en première lecture devant le Sénat ce vendredi 23 juillet !

L’équipe Picard Avocats

Catégories
Flash Info

Assouplissement des réunions du CSE à distance : le retour

Ce mercredi 25 novembre, un projet d’ordonnance portant adaptation des règles relatives aux réunions des instances représentatives du personnel a été présenté en Conseil des Ministres.

Comme cela avait été le cas lors de la « première vague » de l’épidémie, cette ordonnance élargit les possibilités de réunir le CSE à distance, pour les réunions convoquées à partir du lendemain de la publication de l’ordonnance et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire (actuellement fixée au plus tard le 16 février 2021).

Concrètement, l’ordonnance permettra de réunir le CSE :

  • En visioconférence, au-delà de la limite de 3 réunions annuelles prévue en temps normal en l’absence d’accord contraire avec le CSE ;
  • En conférence téléphonique ;
  • En cas d’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou lorsqu’un accord d’entreprise, par messagerie instantanée (ex. : Teams, Slack…).

Un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles les réunions pourront être tenues via conférence téléphonique et messagerie instantanée. Il est fort probable qu’il ne soit qu’une reprise du décret n° 2020-419 du 10 avril 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période de l’état d’urgence sanitaire.

A noter que contrairement à la précédente ordonnance sur le sujet, il serait désormais permis aux « membres élus de l’instance de s’opposer, au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la réunion, à la décision de l’employeur de réunir l’instance à distance lorsqu’il s’agit de la consulter sur des sujets sensibles (licenciements économiques collectifs, mise en œuvre des accords de performance collective, des accords portant rupture conventionnelle collective et de l’activité partielle de longue durée). Dans ce cas, la réunion se tient en présentiel, sauf si l’employeur n’a pas encore épuisé sa faculté de tenir trois réunions annuelles par visioconférence, qu’il tient du droit commun. »

Selon le rapport au Président de la république, « le recours à ces outils ne doit pas être le seul et unique moyen de réunir les instances représentatives du personnel, d’autant plus que de nombreuses entreprises ont pu maintenir leur activité au cours de la dernière période de confinement décidée par le Gouvernement. » Cela confirme qu’il est tout à fait possible de réunir le CSE en présentiel, indépendamment des mesures de « confinement ».

Enfin, le projet d’ordonnance précise que le recours à ces techniques est étendu aux « autres instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail ». À notre sens, cette ordonnance ne vise pas les réunions de négociation des accords collectifs de travail. En effet, les délégués syndicaux ne sont pas des instances représentatives du personnel, mais des représentants syndicaux : ils figurent dans le livre 1er de la deuxième partie du Code du travail intitulé « les syndicats professionnels », tandis que le CSE et le Conseil d’Entreprise figurent dans le Livre III intitulé « les institutions représentatives du personnel ».

Toutefois, dans sa « foire aux questions » relative au dialogue social, mise à jour au 6 août 2020, le Ministère du travail précise :

« Les réunions de négociation collective peuvent-elles se tenir en vidéo-conférence ou en audioconférence pendant l’épidémie de COVID-19 ?
(…) Rien ne s’oppose donc à ce que l’ensemble des parties à la négociation soient convoquées pour participer à une réunion de négociation par voie de visioconférence ou, à défaut, d’audioconférence, pour autant que les conditions dans lesquelles elle se déroule permettent de respecter le principe de loyauté de la négociation. D’un point de vue pratique, de nombreuses solutions en ligne existent désormais pour organiser des visioconférences réunissant un nombre relativement important de personnes
. »

Si cette ordonnance adaptant les règles relatives aux modalités de réunion du CSE est bienvenue, rien n’est prévu s’agissant des délais de consultation de l’instance. Sur ce point, l’ordonnance n° 2020-507 du 2 mai 2020 adaptant temporairement les délais applicables pour la consultation et l’information du comité social et économique afin de faire face à l’épidémie de covid-19 aura-t-elle, elle aussi, une petite sœur ? À suivre !

Catégories
Flash Info

Activité partielle pour personnes vulnérables : nouvelle actualisation des conditions d’éligibilité !

Nous l’évoquions dans notre flash info du 15 octobre dernier : à la suite de la suspension du décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 par le Conseil d’État, le ministre des Solidarités et de la Santé avait annoncé que la liste des personnes vulnérables « était appelée à évoluer ».

C’est chose faite : le décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020, publié au J.O. du 11 novembre et entré en vigueur ce 12 novembre, actualise la liste des personnes considérées comme « vulnérables » pour le bénéfice de l’activité partielle dérogatoire.

En synthèse, la liste est identique à celle qui était initialement prévue par le décret n° 2020-521 du 5 mai 2020, avec l’ajout du critère de vulnérabilité suivant : « Être atteint d’une maladie du motoneurone, d’une myasthénie grave, de sclérose en plaques, de la maladie de Parkinson, de la paralysie cérébrale, de quadriplégie ou hémiplégie, d’une tumeur maligne primitive cérébrale, d’une maladie cérébelleuse progressive, ou d’une maladie rare. » Ainsi, après avoir supprimé plus de la moitié des critères de vulnérabilité, le gouvernement fait volte-face et procède même à une extension de la liste.

Dès le 28 octobre, l’Assurance Maladie avait actualisé son site internet pour tenir compte de l’ordonnance du Conseil d’État ayant procédé à la suspension du décret du 28 août, revenant à la liste initiale des critères de vulnérabilité.

Ainsi, il convient donc de distinguer deux périodes :

  • Du 1er mai 2020 au 11 novembre 2020 : application du décret n° 2020-521 du 5 mai 2020 ;
  • À partir du 12 novembre 2020 : application du décret n° 2020-473 du 10 novembre 2020.

Vous trouverez, en annexe, une synthèse téléchargeable relative aux critères applicables par périodes.

Par ailleurs, le nouveau décret vient préciser les conditions d’éligibilité de l’activité partielle dérogatoire, en indiquant qu’outre l’état de vulnérabilité conforme aux critères visés, le salarié ne doit pouvoir ni recourir totalement au télétravail, ni bénéficier des mesures de protection renforcées suivantes :

  • L’isolement du poste de travail, notamment par la mise à disposition d’un bureau individuel ou, à défaut, son aménagement, pour limiter au maximum le risque d’exposition, en particulier par l’adaptation des horaires ou la mise en place de protections matérielles ;
  • Le respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne à l’occasion de son activité professionnelle, de gestes barrières renforcés : hygiène des mains renforcée, port systématique d’un masque de type chirurgical lorsque la distanciation physique ne peut être respectée ou en milieu clos, avec changement de ce masque au moins toutes les quatre heures et avant ce délai s’il est mouillé ou humide ;
  • L’absence ou la limitation du partage du poste de travail ;
  • Le nettoyage et la désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste, en particulier lorsque ce poste est partagé ;
  • Une adaptation des horaires d’arrivée et de départ et des éventuels autres déplacements professionnels, compte tenu des moyens de transport utilisés par la personne, afin d’y éviter les heures d’affluence ;
  • La mise à disposition par l’employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les trajets entre le domicile et le lieu de travail lorsque la personne recourt à des moyens de transport collectifs.

En réalité, ces précisions nouvelles découlent de l’article 20 de la n° 2020-473 du 25 avril 2020, sur lequel sont fondés les décrets successifs relatifs aux personnes vulnérables, qui précise que « sont placés en position d’activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler ». L’idée est que l’activité partielle dérogatoire doit s’appliquer en dernier recours.

Le gouvernement définit donc ce que l’on doit entendre par une telle « impossibilité ».

Au demeurant, ce critère de « non bénéfice des mesures de protection renforcée » laisse dubitatif, en particulier s’agissant des mesures relatives à « la mise à disposition par l’employeur de masques de type chirurgical en nombre suffisant pour couvrir les trajets entre le domicile et le lieu de travail lorsque la personne recourt à des moyens de transport collectifs » ou « le respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne à l’occasion de son activité professionnelle, de gestes barrières renforcés ».

En effet, comment justifier une telle impossibilité dès lors que tout employeur peut – et doit, au titre de son obligation de sécurité – faire appliquer les gestes barrières pour le travail en présentiel et fournir des masques aux salariés (certes, pas nécessairement pour les trajets domicile – travail même si cela ne peut qu’être recommandé) ?

Par ailleurs, dès lors que les conditions de travail de l’intéressé ne répondent pas aux mesures de protection renforcées précités, le décret indique que le placement en position d’activité partielle est effectué à la demande du salarié et sur présentation à l’employeur d’un certificat établi par un médecin. Le décret précise que ce certificat peut être celui déjà délivré au salarié en application du décret du 5 mai 2020 : le salarié n’a donc pas l’obligation de justifier d’un nouveau certificat médical.

Enfin, lorsque le salarié est en désaccord avec l’employeur sur l’appréciation portée par celui-ci sur la mise en œuvre des mesures de protection renforcées, il saisit le médecin du travail qui se prononce en recourant, le cas échéant, à l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail. Le salarié est alors placé en position d’activité partielle par l’employeur, dans l’attente de l’avis du médecin du travail.

Si jusqu’alors, la décision de placer le salarié en activité partielle reposait sur les seules épaules de l’employeur, le médecin du travail devient désormais l’organe compétent pour « trancher » l’éligibilité du salarié au dispositif compte tenu des mesures mises en œuvre dans l’entreprise.

Catégories
Flash Info

Actualisation du protocole sanitaire : principales nouveautés et points de vigilance

A la suite des annonces gouvernementales et de la publication du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de la Covid-19 a été actualisé ce jeudi 29 octobre 2020.

Le Cabinet fait le point sur trois principaux sujets mis à jour dans le protocole : le télétravail, le « contact-tracing » et les tests de dépistage.

Déplacements, télétravail… Quelles obligations réelles pour les employeurs ?

Le protocole sanitaire prévoit que « Le télétravail est une solution à privilégier, lorsque cela est possible : il doit être favorisé par les employeurs, sur demande des intéressés et si besoin après échange entre le médecin traitant et le médecin du travail, dans le respect du secret médical. (…) Lorsque le télétravail ne peut être accordé, il convient d’assortir le travail présentiel de mesures de protection complémentaires dans des conditions de sécurité renforcée (…). Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. (…) ».

Les termes employés laissent songeur : le télétravail est-il seulement « à privilégier » ou doit-il être totalement généralisé pour les fonctions « télétravaillables » ?

Ce 29 octobre, le Premier Ministre indiquait que « Le télétravail n’est pas une option ». Pourtant, la seule modification du protocole sanitaire, dénué de valeur normative, ne permet pas d’imposer aux employeurs la généralisation du télétravail.

D’ailleurs et à l’image du confinement « première mouture », le décret du 29 octobre prévoit que :

  • Les rassemblements, réunions ou activités sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public mettant en présence de manière simultanée plus de 6 personnes sont interdits, sauf notamment les rassemblements, réunions ou activités à caractère professionnel ;
  • Tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit, sauf notamment – en « évitant » tout de même « tout regroupement de personnes » – les déplacements à destination ou en provenance du lieu d’exercice ou de recherche d’une activité professionnelle et déplacements professionnels ne pouvant être différés.

En bref : il n’est donc pas interdit de se rendre sur son lieu de travail, et il n’est pas légalement obligatoire de télétravailler.

En pratique, ce n’est pas tant sur la méconnaissance des termes du protocole sanitaire que l’employeur pourrait être inquiété, mais plutôt sur un éventuel manquement à l’obligation de sécurité qui, quant à elle, a bien une origine légale.

En effet, le fait qu’il soit demandé à un salarié de se rendre sur son lieu de travail durant la période de « confinement », hors nécessité inhérente à ses fonctions, pourrait se traduire par un manquement à l’obligation de prévention des risques professionnels, indépendamment d’ailleurs de toute réalisation du risque.

Dans le même sens, en cas de réalisation de ce risque (la contraction du Covid-19 par le salarié ou ses collègues), le manquement à l’obligation de sécurité et/ou la recherche de la faute inexcusable de l’employeur pourrait être facilitée.

Dans une ordonnance du 19 octobre 2020, le Conseil d’État a d’ailleurs confirmé que le protocole « constitue un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de covid-19 ».

Rappelons en effet qu’au sein du justificatif de déplacement professionnel mis en ligne par le gouvernement (lequel qui n’est ni mentionné par le décret, ni annexé à celui-ci), l’employeur doit certifier « que les déplacements de la personne ci-après, entre son domicile et le ou les lieux d’exercice de son activité professionnelle ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ne peuvent être différés ou sont indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être organisées sous forme de télétravail ».

En cas de litige, l’employeur ne pourra donc pas dire qu’il ne savait pas…

N.B. : N’hésitez pas à consulter le replay du webinaire organisé par le cabinet et le magazine Direction[s] « Télétravail dans les ESSMS : une opportunité révélée par la crise sanitaire ? ». Un compte-rendu est également disponible en téléchargement gratuit ICI.

Le « contact tracing » : quelle gestion des données personnelles par l’employeur ?

Selon le protocole sanitaire, « les entreprises ont un rôle à jouer dans la stratégie nationale de dépistage (…) en collaborant avec les autorités sanitaires si elles venaient à être contactées dans le cadre du « contact tracing » (traçage des contacts) ».

La question se pose toutefois de la responsabilité de l’employeur dans le traitement des données personnelles du salarié et, en particulier, du traitement potentiel de ses données de santé.

A cet égard, la CNIL a publié un document intitulé « Coronavirus (COVID-19) : les rappels de la CNIL sur la collecte de données personnelles par les employeurs », mis à jour le 23 septembre dernier, que nous vous invitons à consulter.

En synthèse, selon l’autorité de contrôle :

  • Seuls peuvent être traités par l’employeur les éléments liés à la date, à l’identité de la personne, au fait qu’elle ait indiqué être contaminée ou suspectée de l’être ainsi que les mesures organisationnelles prises ;
  • En cas de besoin, l’employeur sera en mesure de communiquer aux autorités sanitaires qui en ont la compétence, les éléments nécessaires à une éventuelle prise en charge sanitaire ou médicale de la personne exposée. En tout état de cause, l’identité de la personne susceptible d’être infectée ne doit pas être communiquée aux autres employés ;
  • Si le traitement des données relatives à l’état de santé sont en principe interdites, le cas du traitement des signalements – de positivité / négativité / cas contact – par les employés constitue, dans le contexte actuel, une exception ;
  • Si le service de santé au travail est en principe seul autorisé à traiter les données de santé des salariés, la CNIL invite particuliers et professionnels à suivre les recommandations des autorités sanitaires et à effectuer uniquement les collectes de données sur la santé des individus qui auraient été sollicitées par les autorités compétentes ;
  • Les tests médicaux, sérologiques ou de dépistage du COVID-19 dont les résultats sont soumis au secret médical : l’employeur ne pourra recevoir que l’éventuel avis d’aptitude ou d’inaptitude à reprendre le travail émis par le professionnel de santé. Il ne pourra alors traiter que cette seule information, sans autre précision relative à l’état de santé de l’employé, d’une façon analogue au traitement des arrêts de maladie qui n’indiquent pas la pathologie dont l’employé est atteint.

Bonne pratique : dans un souci de transparence, il ne peut qu’être préconisé à l’employeur d’informer les salariés sur ces modalités de collecte, de traitement et de communication aux autorités compétentes des données personnelles dans le cadre de la gestion du contexte épidémique. Notons que le protocole indique désormais que « l’employeur doit informer le salarié de l’existence de l’application « TousAntiCovid » et de l’intérêt de son activation pendant les horaires de travail. » Une information « commune » sur le traitement des données personnelles et sur l’existence de l’application gouvernementale pourrait ainsi être effectuée via plusieurs canaux : diffusion d’une note interne affichée et remise lors de l’embauche, mention dans le plan de continuité de l’activité…

Les tests de dépistage sur le lieu de travail

Nouveauté du protocole actualisé, « les employeurs peuvent, dans le respect des conditions réglementaires, proposer à ceux de leurs salariés qui sont volontaires, des actions de dépistage. A cette fin, la liste des tests rapides autorisés et leurs conditions d’utilisation ont été rendus disponibles par les autorités de santé. Ces actions de dépistage doivent être intégralement financées par l’employeur et réalisées dans des conditions garantissant la bonne exécution de ces tests et la stricte préservation du secret médical. En particulier, aucun résultat ne peut être communiqué à l’employeur ou à ses préposés ».

Sont ici visés les tests rapides « antigéniques » (le test est censé permettre un repérage des protéines du virus en moins d’une demi-heure), autorisés par arrêté paru au Journal officiel le 17 octobre 2020 pour réaliser des opérations de dépistage mais pas pour les personnes avec des symptômes ou les « cas contacts ».

Attention toutefois : il reste impossible pour l’employeur d’imposer à l’un de ses salariés un test de dépistage, quand bien même il serait le « relai » d’une campagne de dépistage menée par l’ARS.

En effet, les tests sont des actes de biologie médicale auxquels le salarié doit nécessairement consentir, sans que l’employeur ne puisse exercer son pouvoir disciplinaire à cet égard.

Aussi, pour que les salariés soient réellement contraints de passer ces tests pour l’exercice de leur activité professionnelle, de simples communications des autorités de santé ne suffisent pas et l’intervention du législateur apparaitrait nécessaire.

Un parallèle pourrait d’ailleurs effectué avec l’obligation vaccinale, pour laquelle l’article L. 3111-4 du Code de la Santé Publique prévoit qu’une « personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe », étant rappelé que ces obligations sont suspendues pour la grippe saisonnière (Décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006) et la fièvre typhoïde (Décret n° 2020-28 du 14 janvier 2020).

Or, pour la grippe saisonnière, des campagnes sont menées chaque année par des ARS, en particulier pour les « professionnels de santé et tout professionnel en contact régulier et prolongé avec des personnes à risque de grippe sévère » sans que la vaccination ne soit obligatoire pour ces salariés.

À notre sens, c’est donc dans un cadre similaire qu’interviennent les recommandations données par les autorités (par exemple, la « recommandation d’un test RT-PCR SARS COV2 chez les professionnels de santé » du Ministère des Solidarités et de la Santé du 20 août 2020) ou les campagnes de dépistage du Covid-19 menées par les ARS.

N.B. : Article à jour au 30 octobre 2020, date de sa publication.

Catégories
Flash Info

Activité partielle pour personnes vulnérables : retour aux critères antérieurs !

Coup de tonnerre pour le gouvernement : le juge des référés du Conseil d’Etat suspend les dispositions du décret du 29 août 2020 restreignant les critères de vulnérabilité au covid-19 permettant aux salariés de bénéficier de l’activité partielle « dérogatoire » !

Dans notre flash info du 30 août dernier, nous expliquions les modifications apportées par le décret n° 2020-1098 du 29 août 2020, au dispositif d’activité partielle pour les personnes vulnérables et celles cohabitant avec elles.

Plusieurs requérants, dont les représentants de la Ligue nationale contre l’obésité, ont sollicité la suspension du décret du 29 août 2020, affirmant que le décret méconnaît l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 en ce qu’il limite indûment la liste des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il ne qualifie pas certaines catégories de personnes comme vulnérables (notamment les personnes en situation d’obésité).

En premier lieu, le juge des référés du Conseil d’Etat constate que dans la mesure où la loi du 25 avril 2020 permet expressément au Premier ministre de mettre fin à ce dispositif particulier d’activité partielle s’il estime que la situation ne le justifie plus, le Premier ministre pouvait donc légalement décider que les salariés cohabitant avec une personne vulnérable ne bénéficieront plus du dispositif d’activité partielle. Sur ce point, les requérants ont donc été déboutés.

Ensuite, le Ministre des Solidarités et de la Santé a défendu les nouveaux critères de vulnérabilité retenus par le décret du 29 août. Ainsi, « pour justifier la liste plus étroite néanmoins retenue, le ministre des solidarités et de la santé fait état, en premier lieu, d’une étude anglaise publiée le 8 juillet 2020 dans la revue « Nature », à laquelle le Haut conseil de la santé publique s’est d’ailleurs également référé, dont il se borne à communiquer le lien et à reproduire un graphique mettant en relation certains facteurs avec l’estimation du rapport de risque de décès de covid-19 correspondant, sans que cette étude apparaisse cependant de nature à expliquer l’ensemble des choix effectués, notamment le fait que le diabète ou l’obésité n’aient été retenus que lorsqu’ils sont associés chez une personne âgée de plus de 65 ans. Il fait état, en second lieu, sur ce dernier point, des données résultant de l’étude française « Coronado » publiées en ligne le 26 août 2020, laquelle ne formule toutefois à cet égard que des hypothèses renvoyant à des études ultérieures. »

Le juge des référés, non convaincu par ces arguments, a précisé qu’il incombe au pouvoir réglementaire « de justifier de critères pertinents au regard de l’objet de la mesure et cohérents entre eux. S’il pouvait à ce titre notamment prendre en compte, comme il le fait valoir, l’évolution de la situation sanitaire et la moindre circulation du virus à la date à laquelle il a pris le décret litigieux, ainsi que le renforcement des mesures de protection des personnes lors de leurs déplacement et sur leur lieu de travail, pour retenir une liste de situations et de pathologies plus étroite que celle résultant du décret du 5 mai 2020, il ne pouvait, ce faisant, en exclure des situations ou pathologies exposant, en l’état des connaissances scientifiques, à un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 équivalent ou supérieur à celui de situations ou pathologies pour lesquelles il a estimé ne pas devoir mettre fin à la mesure. »

Il est intéressant de noter que le juge administratif semble mettre en balance tant l’évolution des connaissances scientifiques – les études, et leur sérieux, ayant un rôle probatoire notable -, qu’une certaine égalité de traitement entre des personnes atteintes de pathologies très différentes mais ayant un risque de développer une forme grave d’infection au Covid-19.

Par conséquent, le juge des référés du Conseil d’Etat a prononcé la suspension des articles du décret du 29 août 2020 relatifs aux critères de vulnérabilité jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur leur légalité. Dès lors, en l’absence d’une nouvelle décision du Premier ministre, les critères retenus par le précédent décret du 5 mai 2020 s’appliquent à nouveau.

Parallèlement, le ministre des Solidarités et de la Santé a expliqué, durant la conférence de presse de ce jeudi 15 octobre, que la liste des personnes vulnérables était appelée à « évoluer ». Il est donc très probable qu’un nouveau décret soit pris par le pouvoir réglementaire dans les tous prochains jours… À suivre !

Références :
CE, référé, ordonnance du 15 octobre 2020, n° 444425, 444916, 444919, 445029, 445030
Communiqué de presse du Conseil d’Etat du 15 octobre 2020

Catégories
Flash Info

Activité partielle pour personnes vulnérables : les changements au 1er septembre 2020

Note aux lecteurs : article mis à jour le 3 septembre 2020

Le décret n° 2020-1098 du 29 août 2020, publié dimanche 30 août au J.O., est venu modifier le dispositif d’activité partielle pour les personnes vulnérables et celles cohabitant avec elles.

Pour mémoire, l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 prévoit le placement en activité partielle des salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants :

  • Le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ;
  • Le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable au sens précité ;
  • Le salarié est parent d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

A compter du 1er septembre 2020, le décret met fin du dispositif exceptionnel d’activité partielle pour les salariés partageant le même domicile qu’une personne vulnérable.

Par ailleurs, il réduit considérablement, à compter du 1er septembre 2020, la liste des personnes considérées comme vulnérables. 

Vous trouverez, en téléchargement à la fin du présent article, un tableau comparatif avant et après l’application du décret.

Compte tenu de ces changements, il apparaît donc nécessaire que chaque salarié demeurant éligible à l’activité partielle dérogatoire fournisse à sa direction un nouveau certificat médical d’isolement.

En effet et pour des raisons évidentes de secret médical, le certificat d’isolement ne comporte pas la pathologie du salarié : seul le médecin peut donc vérifier son éligibilité au dispositif fixé par le décret du 29 août 2020.

Il est donc opportun de solliciter à ce sujet chaque salarié concerné, en lui précisant :

● qu’en cas de nouveau certificat d’isolement produit, le salarié sera rétroactivement placé en activité partielle à compter du 1er septembre 2020 ;

● qu’en l’absence d’un tel certificat, celui-ci devra reprendre son poste de travail en présentiel ou en télétravail (dans le respect des règles sanitaires et mesures de prévention). Pour la période comprise entre le 1er septembre et la date de reprise du poste de travail, le salarié ne doit théoriquement pas être rémunéré puisqu’il n’a pas fourni de travail et a été absent pour un motif indépendant de la volonté de l’employeur (on remerciera la publication d’un décret le dimanche pour une application le mardi). La solution pourrait être la pose de congés / RTT pour les journées concernées, le cas échéant par anticipation (si le « stock » de congés du salarié est épuisé en cette période post-vacances).

Les conditions du retour de ces salariés, potentiellement absents depuis le 13 mars dernier (arrêt de travail dérogatoire puis activité partielle), doivent donc être organisées sans délai .

Bien que l’organisation d’une visite médicale de reprise ne soit pas obligatoire (puisque le salarié ne revient pas d’un arrêt maladie de plus de 30 jours), elle est recommandée pour obtenir les préconisations du médecin du travail, rassurer le salarié et démontrer la volonté de l’employeur dans la prévention des risques.

En effet et même si le salarié n’est plus considéré comme « vulnérable » au sens réglementaire du terme, il n’en demeure pas moins que l’employeur est soumis à une obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, risques qui doivent être analysés compte tenu du poste de travail mais également compte tenu de l’état de santé ou de « fragilité » du salarié.

Le protocole sanitaire du 31 août vise d’ailleurs à leur égard des conditions « générales » de sécurité renforcées : mise à disposition d’un masque chirurgical toutes les 4 heures maximum au lieu d’un masque grand public, vigilance particulière du travailleur quant à l’hygiène régulière des mains et aménagement du poste de travail.

L’équipe du cabinet reste à votre disposition pour tout complément !

Catégories
Flash Info

Prime ESMS : entre avancée et incertitude

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 24 juin 2020, date de sa publication.

Nous l’évoquions dans notre précédent article sur le sujet : si l’instruction du 5 juin 2020 et son annexe 10 ont dévoilé les premiers contours de la « prime Covid » pour les établissements sociaux et médico-sociaux, de nombreuses zones d’ombres demeurent sur les modalités de mise en place et de financement de cette prime.

Aussi, les communications et prises de position diverses émanant des autorités de tutelle n’ont fait que renforcer les interrogations des organismes gestionnaires.

Si l’instruction du 5 juin 2020 entérine  le financement par l’ars et apporte des précisions pour les établissements financés ou cofinancés par l’Assurance Maladie, ceux financés par les conseils départementaux (CD) apparaissaient dépendants des volontés de leurs financeurs…

Une question revient alors fréquemment : cette prime peut-elle ou doit-elle être versée compte tenu des seules exigences fixées par ces autorités ?

Les associations gérant des structures aux financements divers se retrouvent en effet confrontées à la difficile conciliation entre financement de la prime et respect du principe d’égalité de traitement entre les salariés.

Les actions des acteurs du secteur semblent néanmoins avoir porté leur fruit puisqu’un amendement adopté ce 23 juin en Commission des Finances vient introduire dans la troisième loi de finances rectificative le principe d’une prime de 1.500 euros pour la quasi intégralité des ESMS.

Aussi, cet amendement n’opère aucune distinction entre les établissements selon leur mode de financement.

Les associations disposant de financement ARS et CD pourraient donc ne plus avoir à se poser la difficile question de l’articulation entre la prime « PEPA » et la prime « ESMS » dont le financement est pris en charge pour les structures financées par l’ARS eu égard à l’instruction du 5 juin 2020.

Toutefois, il reste encore des zones d’ombres et la prudence est encore de mise.

En particulier, cet amendement proposé (et adopté) par le rapporteur général de la commission et membre de la majorité parlementaire, laisse la possibilité pour les ESMS de verser ou non cette prime.

Dès lors, et quand bien même l’amendement prévoit une dispense d’agrément de la DUE ou de l’accord collectif, la question de l’opposabilité de ce texte et donc de la prime aux conseils départementaux reste entière. Cette opposabilité ne pose pas question pour les structures / établissements financés par l’ARS compte tenu de l’instruction du 5 juin diffusée et qui doit être prochainement publiée.

En effet, beaucoup de CD ont d’ores et déjà communiqué sur le financement d’une prime « PEPA » ou d’une prime « ESMS » – ce qui témoigne de la confusion opérée entre les deux dispositifs pourtant distincts – selon des critères « maison » dont la sécurité juridique peut laisser perplexe.

De nombreuses associations financées par les CD ont également déjà communiqué auprès des salariés concernant le versement rapide d’une telle prime… Un rétropédalage pourrait être judicieux dans l’attente des éclaircissements sur les modalités définitives de la prime « ESMS » et son opposabilité aux CD.

Il est donc vivement recommandé de patienter, étant précisé que le texte définitif pourrait intervenir dans le courant du mois de juillet. La publication d’un décret précisant la mise en œuvre de la prime n’est pas à exclure (à l’instar de la prime octroyée dans la fonction publique) mais n’est à ce jour pas prévue en l’état de la rédaction de l’amendement.

Soulignons enfin que l’amendement prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er juin… Indéniablement pour entériner les termes de l’annexe 10 à l’instruction du 5 juin, qui ouvrent la possibilité de verser la prime avant la publication des textes l’instituant.

Mais comment articuler un versement rapide et financé avec la sécurité juridique de l’opération ?

La manœuvre apparaît délicate et nous ne pouvons que déconseiller de naviguer à vue. À suivre !

Catégories
Flash Info

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : actualisation de l’instruction interministérielle

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 5 mai 2020, date de sa publication.

La tant attendue instruction interministérielle n° DSS/5B/2020/59 du 16 avril 2020 relative à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, portant mise à jour du « questions-réponses » annexé à l’instruction du 15 janvier 2020, vient d’être diffusée ce jour sur le site de la sécurité sociale !

En synthèse, la nouvelle instruction reprend les précisions qui avaient été apportées le 17 avril 2020 sur le site internet du Ministère du Travail. Vous trouverez, ci-après, l’analyse des principales modifications opérées par rapport à l’instruction du 15 janvier 2020.

Les conditions de travail liées au Covid-19 : critère de modulation et/ou d’exclusion ?

Dès les premières lignes, l’instruction précise qu’ « afin de prendre en compte plus particulièrement les salariés ayant permis le maintien de l’activité pendant l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance prévoit un nouveau critère possible de modulation du montant de la prime permettant de tenir compte des conditions de travail liées à l’épidémie. »

À ce stade, la lettre de l’instruction est donc parfaitement conforme aux termes de l’ordonnance n° 2020- 385 du 1er avril 2020. Néanmoins, au sein du « questions-réponses » annexé, l’instruction reprend dans des termes strictement identiques les précisions apportées par le Ministère du travail le 17 avril :

« 1.5 La prime peut-elle être versée à une partie seulement des salariés ? OUI,

– Soit par l’exclusion d’une partie des salariés dont la rémunération est supérieure à un plafond. (…)
– Soit à raison des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 (cf. points 2.3 à 2.6 et 2.11)
(…) 2.6 Une entreprise peut-elle exclure du versement des salariés qui n’étaient pas présents pendant la période d’urgence sanitaire ?
OUI. L’objectif du nouveau cas de modulation prévu par l’ordonnance 202-385 est de permettre de récompenser la possibilité de prendre en compte la présence effective du salarié, en excluant, par exemple, les salariés en télétravail.
(…) 2.11 La modulation en fonction des conditions de travail pendant la période d’urgence sanitaire peut-elle aboutir, pour certains salariés, à une prime exceptionnelle égale à zéro ?
OUI. La modulation du montant de la prime, en fonction des conditions de travail pendant la période d’urgence sanitaire, peut permettre le versement d’un montant compris entre 0 et 1000 euros, seuil porté à 2000 € en cas de mise en oeuvre d’un accord d’intéressement. »

Or et comme nous l’évoquions dans notre flash info du 18 avril, l’article 7 de la LFSS pour 2020 précise que la prime « peut être attribuée par l’employeur à l’ensemble des salariés et des agents qu’il emploie ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond » (I-C).

À la stricte lecture de la loi, le seul critère permettant d’exclure des salariés du bénéfice de la prime est donc celui du plafond de rémunération. Dans le même sens, au sein des dispositions légales, le critère des conditions de travail liées au Covid-19 figure seulement parmi les critères de modulation du montant de la prime, au même titre que le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l’année écoulée par exemple (II 2°).

Ainsi, l’instruction confirme l’interprétation particulièrement extensive du Ministère. Or, rappelons que cette interprétation est inopposable en cas de contentieux, ce que ne manque pas de rappeler l’instruction elle-même : « Interprétation à retenir, sous réserve de l’appréciation souveraine du juge (…) ».

D’ailleurs, très récemment, la Cour de cassation a rappelé qu’une « convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c’est à dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte»[1].

Si « l’objectif social » de l’ordonnance du 1er avril était effectivement de permettre aux employeurs de récompenser les salariés ayant maintenu une activité durant le contexte épidémique, la lettre du texte fait preuve de bien moins de souplesse.

Selon nous, il convient donc de rester vigilants face à une telle interprétation. En effet, en cas de litige, des salariés ayant été exclus du bénéfice de la prime pourraient être susceptibles de solliciter, par voie contentieuse, le versement de celle-ci. À notre sens, il demeure préconisé, quels que soient les critères de modulation retenus, de prévoir un montant « plancher » de versement de la PEPA, même relativement faible.

En revanche, lorsqu’une PEPA a déjà été versée avant le 1er avril, il serait possible, comme l’indique l’instruction (5.4), de procéder à un second versement sur le fondement des conditions de travail liées au Covid-19, en excluant les salariés non concernés par celui-ci.

En effet, en telle hypothèse, il ne s’agit que d’une prime unique versée en deux échéances. Tous les salariés éligibles ayant d’ores et déjà bénéficié d’un premier versement, ils ne sont pas exclus purement et simplement du dispositif, quand bien même le second versement ne ferait qu’application du critère de modulation « Covid ».

Le cadre temporel du critère « Covid »

L’instruction (2.5) précise que « La prime peut être modulée pour l’ensemble des salariés ayant continué leur activité durant la période d’urgence sanitaire (qui a débuté le 12 mars 2020) (…) ».

Or, l’état d’urgence sanitaire n’a pas débuté le jeudi 12 mars (qui correspond en réalité à la date fixée pour la période dite « protégée », notamment pour les délais de procédure) mais le mardi 24 mars[2], et cela jusqu’au 24 mai 2020[3]. D’ailleurs, le confinement n’a débuté que le 17 mars. Au 12 mars, il est donc discutable de considérer que les conditions de travail des salariés étaient impactées par le Covid-19.

Il est donc préconisé, pour l’appréciation du critère « Covid » :

  • soit de retenir une date de début au 24 mars, en se référant expressément à la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
  • soit de retenir la date du 12 mars, en se référant aux précisions données par l’instruction interministérielle n° DSS/5B/2020/59 du 16 avril 2020.
Les congés liés à la parentalité

L’instruction précise (2.4) que pour le seul critère afférent aux conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19, les salariés absents pour des congés liés à la parentalité peuvent être exclus de la prime :

« (…) pour que la prime soit éligible à l’exonération, il n’est pas autorisé d’en réduire le montant à raison des (…) congés au titre de la maternité, de la paternité et de l’accueil ou de l’adoption d’un enfant, ainsi que des congés d’éducation parentale, de présence parentale. La prime des salariés absents du fait de l’un de ces congés ne peut être réduite à raison de cette absence, sauf dans les cas où la prime est modulée en application des points 2.5, 2.6 et 2.11. »

Néanmoins, les dispositions légales telles que modifiées par l’ordonnance du 1er avril continuent de préciser :

« 2° Son montant peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail sont assimilés à des périodes de présence effective »

Or, l’instruction évoque elle-même, s’agissant du critère « Covid », la notion de « présence effective » :

« L’objectif du nouveau cas de modulation prévu par l’ordonnance 202-385 est de permettre de récompenser la possibilité de [coquille] prendre en compte la présence effective du salarié, en excluant, par exemple, les salariés en télétravail. »

Là encore, il sera rappelé que la lettre des dispositions légales prime tant sur la volonté de ses rédacteurs que sur l’interprétation qui en est faite par l’Administration.

Néanmoins, des arguments pourraient tout de même défendre la possibilité d’exclure les salariés en congé lié à la parentalité du « critère Covid » :

  • Le texte indique que les congés liés à la parentalité « sont assimilés à des périodes de présence effective » pour le bénéfice de la prime. Or :
  • le critère de conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19, telle que rédigé dans la loi, ne se réfère pas réellement à une condition de présence effective (sinon, le législateur aurait pu préciser une présence effective « durant l’épidémie de covid-19 »), mais vise seulement des conditions de travail particulières ;
  • les salariés absents, quand bien même leur absence serait assimilée à du temps de présence effective, n’ont par définition pas pu voir leurs conditions de travail impactées par l’épidémie, contrairement aux salariés en télétravail ou présents sur le terrain ;
  • Les salariés absents ne sauraient invoquer une quelconque discrimination dès lors que toutes les absences sont traitées de la même manière[4].

Ainsi, le risque principal serait non celui – mesuré – de la discrimination mais davantage celui d’un rappel de prime sollicité par les salariés en congés liés à la parentalité, suivant les termes de l’article 7 de la LFSS. Là encore, le fait d’allouer un montant « plancher » à tous les salariés, même faible, permettrait d’amoindrir les risques contentieux.

Si une PEPA a déjà été versée et qu’un complément est envisagé, peut-on subordonner le versement d’un complément de prime à une « rallonge » des financeurs ?

Selon nous, rien ne s’oppose à ce qu’il soit précisé, dans l’avenant à l’accord collectif ou dans la DUE instituant le complément de prime, que son versement soit subordonné à l’acceptation expresse de l’autorité de tutelle d’une prise en charge budgétaire supplémentaire.

En tel cas, l’acte est conclu sous condition suspensive d’un accord exprès des financeurs. À défaut d’avoir obtenu un tel aval écrit dans un délai fixé par l’avenant ou la DUE, ce dernier ou cette dernière serait caduc.

À noter : l’instruction indique que « Les entreprises ayant déjà versé une prime exceptionnelle sur la base de l’article 7 de la LFSS pour 2020 pourront compléter leur versement initial par un avenant à la convention ou à la DUE. » À notre sens, il s’agirait d’une seconde DUE « complémentaire » à la première et non d’un avenant à celle-ci. En effet, la jurisprudence se montre réfractaire, en dehors de toute dénonciation régulière, à la possibilité de modifier une décision unilatérale, quelle qu’elle soit.

Enfin, l’instruction rappelle une distinction qu’il convient d’opérer :

  • Si une PEPA a déjà été versée sur la base de l’article 7 de la LFSS pour 2020 dans sa version antérieure au 1er avril 2020, la structure pourra envisager un versement complémentaire sur le seul fondement du critère des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 ;
  • Si l’accord ou la DUE instituant la PEPA est conclu à partir du 1er avril 2020, il est possible de prévoir plusieurs échéances de versement mais les critères d’attribution doivent être strictement identiques pour chacune des échéances.
Question fréquente : quelle valeur juridique pour cette instruction interministérielle ?

S’il convient d’adopter la plus grande prudence vis-à-vis des précisons diffusées sur les sites internet ministériels ou de l’URSSAF, l’instruction du 15 janvier 2020 a été publiée le 16 mars parmi la liste des documents opposables sur le site du Ministère des Solidarités et de la Santé ainsi qu’au bulletin officiel de ce même Ministère. Cela rendait le texte opposable à l’Administration en cas de contrôle, même en l’absence de « double publication » sur le site « circulaires.legifrance.gouv.fr »[5].

À ce jour, l’instruction n° DSS/5B/2020/59 du 16 avril 2020 n’a été publiée que sur le site internet de la sécurité sociale, qui est inopposable à l’Administration en cas de contrôle. Néanmoins, la publication « officielle » de l’instruction du 15 janvier a pris du temps (2 mois). Il devrait donc en être de même pour celle du 16 avril, dont la publication est attendue afin de sécuriser, au moins vis-à-vis de l’URSSAF, les interprétations administratives. [Mise à jour : l’instruction a été publiée sur le site du Ministère des Solidarités et de la Santé le 15 mai 2020]

[1] Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-12.467
[2] Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
[3] Cette date devrait être prorogée au 24 juillet 2020, selon le projet de loi actuellement soumis au Parlement
[4] Par exemple : Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-40.311
[5] CRPA, art. L.312-3 et D.312-11

Catégories
Flash Info

Covid-19 : Arrêts de travail dérogatoires et passage en activité partielle

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 29 avril 2020, date de sa publication.

Nous avons été alertés par plusieurs clients concernant la question du passage des arrêts de travail dérogatoires « COVID » sous le régime de l’activité partielle au 1er mai 2020. 

Beaucoup nous ont indiqué être dans l’attente d’un décret venant préciser les modalités opérationnelles de cette « bascule ». 

Or, il convient de rappeler que l’article 20 de la loi de finances rectificative prévoit et détaille largement le dispositif :

« I. – Sont placés en position d’activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler pour l’un des motifs suivants :

– le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2, selon des critères définis par voie réglementaire ;

– le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable au sens du deuxième alinéa du présent I ;

– le salarié est parent d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

II. – Les salariés mentionnés au I du présent article perçoivent à ce titre l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122-1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I du même article L. 5122-1 soient requises. Cette indemnité d’activité partielle n’est pas cumulable avec l’indemnité journalière prévue aux articles L. 321-1 et L. 622-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu’aux articles L. 732-4 et L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime ou avec l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail.

L’employeur des salariés mentionnés au I du présent article bénéficie de l’allocation d’activité partielle prévue au II de l’article L. 5122-1 du code du travail.

III. – Le présent article s’applique à compter du 1er mai 2020, quelle que soit la date du début de l’arrêt de travail mentionné au premier alinéa du I du présent article.

Pour les salariés mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du même I, celui-ci s’applique jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2020.

Pour les salariés mentionnés au dernier alinéa dudit I, celui-ci s’applique pour toute la durée de la mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile concernant leur enfant.

Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire » 

Le décret visé par l’article 20 n’ayant pas été publié ce matin au J.O., celui-ci est donc attendu demain… Pour une application du dispositif automatique après-demain.

 Par conséquent, si cela n’a pas été déjà fait, nous vous préconisons d’envisager une communication auprès des salariés concernés sur l’épineux sujet de la rémunération du mois de mai (passage d’un potentiel maintien de salaire à 100 % – régime conventionnel de prévoyance – à celui de l’activité partielle… avec ou sans complément de l’employeur).

En pratique, le Ministère des Solidarités et de la Santé a néanmoins précisé la procédure à suivre :

«À compter du 1er mai, les salariés jusqu’alors en arrêt de travail dérogatoire pour les motifs listés ci-dessous seront placés en activité partielle et indemnisés à ce titre.

Pour tout renseignement sur l’activité partielle, les salariés et les employeurs peuvent consulter le site : https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19 .

Sont concernés les salariés bénéficiant d’un arrêt de travail pour les motifs suivants :

1. L’assuré est une personne vulnérable ou « à risque » pour laquelle les consignes sanitaires recommandent de respecter une mesure d’isolement ;

2. L’assuré est une personne cohabitant avec une personne vulnérable ;

3. L’assuré est parent d’un enfant de moins de 16 ans dont la structure d’accueil ou l’établissement scolaire est fermé ou parent d’un enfant en situation de handicap pris en charge dans une structure fermée

Afin que l’assuré puisse bénéficier d’une indemnisation de son arrêt de travail au-delà du 1er mai, il faut distinguer la nature de l’arrêt.

Dans les cas 1 et 2 ci-dessus (arrêt pour les personnes vulnérables – cf annexe 1 sur la définition des

personnes vulnérables et les proches cohabitant avec une personne vulnérable) :

Le salarié devra remettre à son employeur un certificat attestant de la nécessité d’isolement et donc de l’impossibilité de se rendre sur son lieu de travail. Ce certificat doit dans la mesure du possible être remis à l’employeur avant le 1er mai.

Pour les personnes considérées comme vulnérables qui se sont auto déclarés sur la plateforme mise en place à cet effet par l’assurance maladie et dont l’arrêt est en cours d’arrêt au 30 avril, leur caisse d’assurance maladie leur transmet ce certificat d’isolement sans que l’assuré n’ait de démarche à faire pour le solliciter ;

Pour les personnes considérées comme vulnérables qui n’entrent pas dans le champ de l’auto déclaration sur la plateforme de l’assurance maladie, ainsi que pour les personnes cohabitant avec une personne vulnérable qui ont eu recours à un arrêt prescrit par un médecin (en ville ou à l’hôpital), elles doivent le contacter pour se voir remettre le certificat d’isolement.

L’employeur, sur la base du certificat remis par le salarié, procède à une demande d’activité partielle pour son salarié dans les 30 jours suivant le 1er mai. Il envoie si nécessaire (cas des arrêts de travail pour le bénéfice des IJ allant au-delà du 1er mai) un signalement de reprise anticipée d’activité via la DSN).

Les conditions d’établissement du certificat d’isolement par les médecins sont décrites en annexe 2.

Ce certificat d’isolement ne comporte pas de terme : la date de sortie de l’isolement pour les personnes concernées sera fixée par décret. Jusqu’à cette date, le salarié sera éligible à l’activité partielle.

Des mesures particulières doivent être appliquées aux soignants à risque de COVID-19 graves afin d’assurer la continuité du service tout en les protégeant au maximum. Sont considérés comme soignants les professionnels de santé ainsi que les salariés des établissements de santé et des établissements médico-sociaux qui sont au contact direct des personnes accueillies ou hébergése pour leur apporter des soins ou une aide à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. La pertinence de ces mesures devra être évaluée au cas par cas en lien avec la médecine du travail de l’établissement en fonction de la gravité de la pathologie et de son évolutivité (cf. annexe 1). La même procédure doit être appliquée pour les soignants cohabitant avec une personne vulnérable.

Dans le cas 3 (arrêt pour garde d’enfant) :

Le salarié n’aura pas de démarche particulière à effectuer. Il continue d’échanger comme précédemment avec son employeur sur son impossibilité de poursuivre son activité compte tenu de la fermeture de l’établissement d’accueil de son enfant et renouvelle si nécessaire l’attestation sur l’honneur précédemment fournie.

L’employeur procède une demande d’activité partielle pour son salarié dans les 30 jours suivant le 1er mai. Il envoie si nécessaire (cas des arrêts de travail pour le bénéfice des IJ allant au-delà du 1er mai) un signalement de reprise anticipée d’activité via la DSN). »

Ainsi et comme l’indique le Ministère, seuls demeurent après le 30 avril les arrêts de travail du salarié malade (du Covid ou non, ou suspecté de l’être) et ceux du salarié asymptomatique mais considéré comme étant « cas contact étroit ».

Par ailleurs, l’Assurance Maladie a diffusé des fiches pratiques détaillant les différentes situations :

 Attention, si le droit à l’activité partielle pour les salariés bénéficiant des arrêts dérogatoires est « automatique », il est nécessaire, comme le précise le Ministère, que l’employeur procède à une demande d’activité partielle pour les salariés concernés dans avant le 30 mai. Rappelons que l’ordonnance du 22 avril permet, à ce titre, une individualisation des demandes d’activité partielle. 

Au sein du secteur associatif, ce nouveau dispositif interroge. 

En effet, rappelons que si « Les associations figurent dans le champ des structures éligibles à l’activité partielle (…) les ressources spécifiques dont peuvent bénéficier les associations (subventions) conduisent à rappeler le principe selon lequel le recours à l’activité partielle ne saurait conduire à ce que leurs charges de personnel soient financées deux fois, une première fois par des subventions et une seconde fois par l’activité partielle. Les demandes déposées par les associations bénéficiant de subventions doivent donc respecter cette obligation. Des contrôles seront réalisés a posteriori et en cas de constat d’un financement en doublon, les subventions seront ajustées à la baisse» (« Q/R » sur l’activité partielle, n° 25, 22 avril 2020).

Ainsi et selon les structures, plusieurs options semblent à étudier :

  En cas de maintien total du financement, le salarié justifiant relever d’un d’arrêt dérogatoire pourrait être placé en « absence autorisée » avec un maintien total de la rémunération ; 

Effectuer pour ce salarié une demande d’activité partielle ainsi qu’une demande subséquente d’allocation auprès de l’ASP avec information des financeurs, ce qui sera susceptible de conduire les autorités de tutelle à ajuster leurs financements ;

  Effectuer pour ce salarié une demande d’activité partielle sans demande d’allocation auprès de l’ASP, avec information de la DIRECCTE et des financeurs, permettant ainsi de bénéficier du régime social et fiscal favorable de l’indemnité versée (Q/R, n° 18) sans pour autant bénéficier d’un « double financement ».

Ce dispositif interroge également quant au « pouvoir de contrôle » de l’employeur sur l’éligibilité du salarié : qu’en sera-t-il, par exemple, pour un salarié sollicitant un arrêt dérogatoire pour garde d’enfants à compter du 11 mai, refusant que son enfant se rende à l’école dès lors que cette reprise est effectuée sur la base du volontariat ? Des précisions à cet égard seraient bienvenues… À suivre !

Catégories
Flash Info

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, CSE, activité partielle & AT/MP : nouvelle ordonnance 

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 22 avril 2020, date de sa publication.

Un nouveau projet d’ordonnance « portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 » – encore ! – a été présenté ce jour en Conseil des Ministres.

Le texte, disponible ICI, prévoit un certain nombre de nouveautés en matière sociale :

  1. Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Dans notre précédente communication, nous évoquions une difficulté : l’ordonnance du 1er avril sur la PEPA étend le montant de la prime à 2.000 euros pour les entreprises couvertes par un accord d’intéressement, sans comporter d’exclusion pour les associations et fondations non lucratives (qui étaient donc, faute d’un tel accord, limitées à la somme de 1.000 €).

La nouvelle ordonnance vient préciser que la condition relative à la mise en œuvre d’un accord d’intéressement n’est pas applicable aux associations et fondations reconnues d’intérêt public comme celles d’intérêt général.

 Par conséquent, sous réserve d’obtenir son financement et/ou de disposer de fonds propres suffisants, les associations et fondations RUP et RIG pourront verser, au plus tard le 30 août 2020, une prime PEPA d’un montant maximum de 2.000 euros.

  1. Activité partielle
  • Individualisation de l’AP : comme annoncé, l’ordonnance permet, sur le fondement d’un accord collectif, ou à défaut après avis favorable du CSE, le placement en activité partielle de salariés de façon individualisée ou selon une répartition non uniforme des heures chômées / travaillées au sein d’un même établissement, service ou atelier.

Notons que l’ordonnance ne précise pas « après avis favorable du CSE s’il existe », ce qui pourrait contraindre les structures dépourvues d’élus de devoir être couvertes par un accord de branche ou, à défaut, d’engager une négociation dérogatoire avec les salariés pour bénéficier de ce dispositif.

L’accord ou le document soumis à l’avis du CSE devra notamment déterminer :

  • Les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier ;
  • Les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées ;
  •  Les modalités et la périodicité, qui ne peut être inférieure à trois mois, selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord ou du document ;
  • Les modalités particulières selon lesquelles sont conciliées la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés ;
  • Les modalités d’information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.
  • Indemnisation de l’AP :
  • À compter du 1er mai 2020, lorsque la somme de l’indemnité légale d’activité partielle et de l’indemnité complémentaire versée par l’employeur (en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale) est supérieure à 3,15 fois la valeur horaire du SMICla part de l’indemnité complémentaire versée au-delà de ce montant est assujettie aux contributions et cotisations sociales.
  • Seront désormais prises en compte, dans les heures non travaillées indemnisables, les heures supplémentaires « structurelles », dès lors qu’elles sont prévues par une stipulation conventionnelle ou une stipulation contractuelle conclue avant la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance.
  • Par ailleurs, le Q/R relatif à l’activité partiellea été actualisé le 21 avril. Sont notamment précisées les modalités de calcul de l’indemnité et de l’allocation d’AP pour les salariés à temps partiel.
  1. Délais d’information-consultation du CSE

Un décret à paraître devrait définir, le cas échéant par dérogation aux accords collectifs applicables (accords de mise en place / fonctionnement du CSE), les délais relatifs :

  • à l’information et à la consultation du CSE sur les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ;
  • au déroulement des expertises réalisées à la demande du CSE lorsqu’il a été consulté sur ces décisions.

N.B. : Il est précisé que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (prorogation des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire) ne s’applique pas « aux délais mentionnés au présent article » : cela supposerait, alors, que tous les autres délais de consultation de l’instance (par exemple, sur un projet d’aménagement important) seraient bien concernés par l’ordonnance du 25 mars…

  1. Procédure de reconnaissance des AT/MP

Rappelons que l’article 7 de cette l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, qui s’applique aux « organismes de sécurité sociale » (article 6), prévoit que :

« les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période[un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire]. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public. »

À la lecture de ces dispositions, étaient donc manifestement concernés les délais afférents à l’instruction des accidents du travail et maladies professionnelles…

Mais 4 semaines plus tard, le projet d’ordonnance présenté ce jour vient préciser que les dispositions précitées ne s’appliquent pas aux « délais applicables à la procédure de reconnaissance des accidents du travail (…) et des maladies professionnelles (…) qui expirent entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale qui ne peut excéder le terme d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (…), le cas échéant prolongé dans les conditions prévues par cet article » !

Le projet d’ordonnance prévoit ainsi des délais spécifiques de prorogation pour la procédure AT/MP :

  • Délais impartis pour l’employeur et le salarié :
  • Délai d’information de l’employeur par le salarié : passe de 48h à 72h ;
  • Délai pour procéder à la déclaration d’AT : passe de 48 heures à 5 jours ;
  • Délai imparti au salarié pour déclarer une maladie professionnelle : passe de 15 jours à 30 jours (et de 3 mois à 5 mois en cas de maladie constatée avant inscription au tableau) ;
  • Délai pour formuler des réserves motivées : passe de 10 jours à 12 jours 
  • Délai pour répondre aux questionnaires passent :

o   de 20 jours à 30 jours pour les AT ;

o   de 30 jours à 40 jours pour les MP ;

o   de 20 jours à 25 jours pour les nouvelles lésions ou rechutes.

  • Délais impartis pour la caisse :
  • Mise à disposition du dossier dans le cadre de la procédure de reconnaissance des MP : passe de 100 à 120 jours (à noter que n’est pas évoqué celui de 70 jours pour les AT…) ;
  • Décision d’engager des investigations complémentaires, de statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, ou de statuer sur des rechutes et nouvelles lésions : prorogation jusqu’à une date fixée par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, et au plus tard jusqu’au 1er octobre 2020. Un arrêté ministériel est donc encore attendu pour la pleine application de ces dispositions.

Par ailleurs, dans le cadre de la procédure AT, le salarié et l’employeur peuvent produire des éléments qui n’étaient pas présents au dossier au moment de la consultation des pièces. Dans cette hypothèse, une nouvelle consultation doit être organisée pour les parties avant que la caisse ne se prononce (dans les délais prévus par l’ordonnance).

Catégories
Flash Info

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, activité partielle et télétravail : précisions administratives 

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 18 avril 2020, date de sa publication.

Si le journal officiel du 17 avril a apporté son lot de nouveautés réglementaires en matière d’activité partielle et de versement de l’indemnité complémentaire de l’employeur en cas d’arrêt de travail, cette journée a également été riche en précisions de l’Administration. Décryptage des apports en matière de prime exceptionnelle, d’activité partielle et de télétravail.

  1. Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Le 2 avril 2020, était publiée l’ordonnance n° 2020-385 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Deux semaines plus tard, le Ministère du Travail diffuse sur son site internet une « foire aux questions » apportant des précisions sur la mise en oeuvre de ces nouveautés. Sélection des apports les plus significatifs, et parfois des plus surprenants !

  • Critère des « conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 »

Le Ministère précise que ce critère permet, outre la modulation du montant de la prime, d’exclure purement et simplement des salariés de son versement (points 1.5 et 2.6).

Or, l’article 7 de la LFSS pour 2020, tel que modifié par l’Ordonnance du 1er avril, précise que la prime « peut être attribuée par l’employeur à l’ensemble des salariés et des agents qu’il emploie ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. » Le seul critère permettant d’exclure des salariés du bénéfice de la prime est donc celui du plafond de rémunération, ce que rappelle l’instruction n° DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020 (point 1.5). 

Au sein des dispositions légales, le critère des conditions de travail liées au Covid-19 figure seulement parmi les critères de modulation du montant de la prime, au même titre que le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l’année écoulée par exemple.

⚠️Il convient donc d’adopter la plus grande prudence face à cette interprétation très extensive – voire contra legem – du Ministère. En effet, à supposer que ces précisions puissent être opposables à l’URSSAF en cas de contrôle, tel ne sera en tout état de cause pas le cas à l’égard des juridictions. Ainsi, des salariés ayant été exclus du bénéfice de la prime seraient susceptibles de pouvoir solliciter, par voie contentieuse, le versement de celle-ci (et le cas échéant de son montant intégral).

À notre sens et par conséquent, il reste préconisé, quels que soient les critères de modulation retenus, de prévoir un montant « plancher » même relativement faible de versement de la PEPA.

  • Date d’appréciation du champ des bénéficiaires

L’ordonnance du 1er avril a précisé que la prime bénéficie aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail à la date de versement de cette prime ou à la date de dépôt de l’accord collectif ou de la signature de la décision unilatérale.

Le Ministère précise que ces dates sont alternatives et que l’accord ou la décision unilatérale doit préciser quelle date d’appréciation de la présence des salariés est retenue parmi ces options (point 1.7).

  • Absences, temps de présence effective et prime égale à zéro

Le critère de modulation du montant de la prime afférent à la « durée de présence effective pendant l’année écoulée » existe depuis l’entrée en vigueur de la LFSS pour 2020. Ce critère permet d’opérer un abattement sur le montant de la prime en cas d’absence du salarié, quelle qu’en soit sa nature. Cela vise notamment les absences pour maladie, y compris en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle (voir en ce sens concernant des primés liées à la présence effective : Cass. soc., 21 novembre 2012, n° 11-12.126 ; Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-40.311).

Toutefois, même après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, l’article 7 de la LFSS mentionne encore très expressément, juste après l’énumération des critères de modulation, que pour le versement de la prime, les absences relatives à la parentalité sont assimilées à des périodes de présence effective (congé de maternité, de paternité, d’accueil ou adoption, congé parental d’éducation, pour enfant malade, pour présence parentale). En conséquence, ces congés ne peuvent entraîner aucune proratisation de la prime.

Pourtant, le Ministère indique désormais que « la prime des salariés absents du fait de l’un de ces congés ne peut être réduite à raison de cette absence, sauf dans les cas où la prime est modulée en application des points 2.5, 2.6 et 2.11», c’est-à-dire soit en cas d’application du critère des conditions de travail liées au Covid-19, soit lorsque l’application des critères de modulation conduit à une prime égale à zéro. 

Or, l’instruction du 15 janvier 2020 précise en sens totalement inverse que « La loi prévoit expressément que la prime exceptionnelle doit être versée à l’ensemble des salariés éligibles. Il en résulte que, dès lors que la modulation aurait pour conséquence de priver certains salariés de cette prime, la condition de versement à l’ensemble des salariés ne serait pas remplie. Il appartient à l’employeur de veiller à fixer un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu » (point 3.7) !

⚠️Là encore, la prudence est de mise face à ces nouvelles précisions ministérielles qui ne sauraient, en cas de contentieux, avoir une quelconque valeur juridique à l’égard du juge.

  • Avances et versement échelonné de la prime

Le Ministère du Travail précise (points 5.1 à 5.4) que :

  • La prime peut faire l’objet d’avances selon les règles de droit commun applicables à toute forme de rémunération ;
  • L’accord ou la DUE instituant la prime peut prévoir un versement en plusieurs échéances, sans aller au-delà du 31 août 2020 ;
  • Lorsque la prime est versée en plusieurs échéances, ses critères d’attribution ne peuvent pas être définis différemment pour chacune de ces échéances. En revanche, les entreprises ayant déjà versé une prime exceptionnelle avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er avril « pourront compléter leur versement initial par un avenant à la convention ou à la DUE », lequel « pourra retenir des critères d’attribution de la prime différents pour ce deuxième versement ».
  1. Activité partielle
  • Une ordonnance planifiée en vue de l’individualisation de l’activité partielle

À ce jour et comme nous l’expliquions dans un précédent flash info, le dispositif d’activité partielle revêt en principe un caractère collectif.

Or, une ordonnance serait en cours d’élaboration afin de permettre une individualisation des demandes d’activité partielle, notamment en vue d’adapter l’activité à un déconfinement progressif.

Cette nouvelle possibilité serait toutefois encadrée par des garde-fous : l’individualisation serait soumise soit à un accord collectif, soit à une décision unilatérale de l’employeur après avis conforme du CSE (ce qui signifie, contrairement à un avis « classique », qu’il s’impose à l’employeur).

Rappelons que la « foire aux questions » diffusée par le Ministère des Solidarités et de la Santé à l’attention des ESSMS PA/PH s’est quelque peu avancée sur le sujet, précisant qu’une allocation d’activité partielle pouvait être demandée pour « un salarié » se trouvant dans l’impossibilité de travailler, notamment en cas « d’impossibilité de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés (télétravail, gestes barrière…) ».

  • De l’arrêt de travail dérogatoire à l’activité partielle

Un amendement au projet de loi de finances rectificatif prévoit de faire basculer, au 1er mai 2020, les salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail soit en tant que personnes vulnérables, soit pour garde d’enfants, vers le dispositif d’activité partielle.

Le gouvernement précise :

« Jusqu’au 30 avril, ces salariés seront indemnisés par leur employeur, en complément des indemnités journalières de sécurité sociale, à hauteur de 90% de leur salaire, quelle que soit leur ancienneté.

Ces dispositions sont rétroactives et s’appliquent aux jours d’absence intervenus depuis le 12 mars.

A partir du 1er mai, les salariés en arrêt de travail pour ces motifs seront placés en activité partielle et percevront une indemnité à hauteur de 70% du salaire brut, soit environ 84% du salaire net. Ces montants seront portés à 100 % du salaire pour les salariés rémunérés au niveau du SMIC. Cette indemnité sera versée au salarié à l’échéance normale de paie par l’entreprise, qui se fera intégralement rembourser par l’Etat dans les mêmes conditions que le reste de l’activité partielle.

Cette mesure permet d’éviter une réduction de l’indemnisation des personnes concernées : sans cette mesure, le niveau d’indemnisation des salariés aurait diminué pour atteindre 66% du salaire après 30 jours d’arrêt pour les salariés justifiant d’une ancienneté inférieure à 5 ans, par exemple. »

  1. Télétravail

Le 17 avril, le Ministère du Travail a diffusé un nouveau « questions-réponses » sur le télétravail durant le contexte épidémique, précisant :

« – L’employeur doit-il verser l’indemnité d’occupation du domicile prévue par la jurisprudence quand l’employeur ne met pas à la disposition du salarié d’autres locaux pour travailler (télétravail à la demande de l’employeur) ? (OEC)

Dans le contexte de crise sanitaire actuel – le télétravail s’effectuant, dans la majorité des cas, sur la totalité de la durée de travail effectif et étant rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise, pour garantir la protection des salariés et pour des raisons de santé publique – il y a lieu de considérer que l’employeur est tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail, destinée à rembourser au salarié les frais découlant du télétravail. En effet, l’employeur a une obligation de prise en charge des frais professionnels. Cette obligation est prévue sans restriction par la jurisprudence et celle-ci, de portée générale, doit couvrir les télétravailleurs.

Toutefois, au regard de la difficulté à identifier et circonscrire les dépenses incombant à l’activité professionnelle de celles relevant de la vie personnelle, l’employeur a intérêt à privilégier une somme forfaitaire qui sera de nature à simplifier sa gestion. Si l’allocation versée par l’employeur est forfaitaire, elle sera réputée alors utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. Cette allocation forfaitaire exonérée passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour 3 jours par semaine… (consulter le site de l’Urssaf). Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales pourra être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié. »

On constate que le document opère une confusion entre l’indemnité d’occupation du domicile et la prise en charge des frais professionnels, qui sont deux éléments distincts.

En effet, l’indemnité d’occupation du domicile est due à défaut de local professionnel mis à disposition du salarié : elle indemnise le préjudice que cause l’immixtion dans la vie privée du salariée, constituée par l’ocupation de son domicile à des fins professionnelles. Ainsi, elle n’a pas la nature d’un salaire et, hors mention expresse, n’est pas incluse dans l’allocation pour frais professionnels (Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 15-11.144 ; Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-21.014).

S’agissant des coûts liés au télétravail, rappelons que l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a supprimé l’obligation de l’employeur quant à leur prise en charge (ancien article L.1222-10 du Code du travail). Certes, la question du maintien de cette prise en charge se pose eu égard au principe jurisprudentiel selon lequel « les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur ». 

Il est toutefois intéressant de relever que le même Ministère du Travail précise, dans son « questions-réponses : télétravail mode d’emploi » actualisé au 4 mars 2020 : 

« Je n’ai pas internet chez moi et je souhaite télétravailler. Puis-je demander à mon employeur de prendre en charge l’ordinateur et les frais de connexion ?

Oui, mais l’employeur n’est pas obligé par la loi d’accepter. »

Une certitude : ces constats appellent à la prudence face à ces communications ministérielles sur des sujets qui, bien que conjoncturels, restent juridiques.

Catégories
Flash Info

Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, activité partielle et télétravail : précisions administratives 

Note : cet article est à jour au 18 avril 2020, date de sa publication.

Si le journal officiel du 17 avril a apporté son lot de nouveautés réglementaires en matière d’activité partielle et de versement de l’indemnité complémentaire de l’employeur en cas d’arrêt de travail, cette journée a également été riche en précisions de l’Administration. Décryptage des apports en matière de prime exceptionnelle, d’activité partielle et de télétravail.

  1. Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Le 2 avril 2020, était publiée l’ordonnance n° 2020-385 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Deux semaines plus tard, le Ministère du Travail diffuse sur son site internet une « foire aux questions » apportant des précisions sur la mise en œuvre de ces nouveautés. Sélection des apports les plus significatifs, et parfois des plus surprenants !

  • Critère des « conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 »

Le Ministère précise que ce critère permet, outre la modulation du montant de la prime, d’exclure purement et simplement des salariés de son versement (points 1.5 et 2.6).

Or, l’article 7 de la LFSS pour 2020, tel que modifié par l’Ordonnance du 1er avril, précise que la prime « peut être attribuée par l’employeur à l’ensemble des salariés et des agents qu’il emploie ou à ceux dont la rémunération est inférieure à un plafond. » Le seul critère permettant d’exclure des salariés du bénéfice de la prime est donc celui du plafond de rémunération, ce que rappelle l’instruction n° DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020 (point 1.5). 

Au sein des dispositions légales, le critère des conditions de travail liées au Covid-19 figure seulement parmi les critères de modulation du montant de la prime, au même titre que le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l’année écoulée par exemple.

 Il convient donc d’adopter la plus grande prudence face à cette interprétation très extensive – voire contra legem  –  du Ministère. En effet,  à supposer que ces précisions  puissent être  opposables à 

l’URSSAF en cas de contrôle,  tel ne sera en tout état de cause pas le cas à l’égard des juridictions. Ainsi, des salariés ayant été exclus du bénéfice de la prime seraient susceptibles de pouvoir solliciter, par voie contentieuse, le versement de celle-ci (et le cas échéant de son montant intégral).

À notre sens et par conséquent, il reste préconisé, quels que soient les critères de modulation retenus, de prévoir un montant « plancher » même relativement faible de versement de la PEPA.

  • Date d’appréciation du champ des bénéficiaires

L’ordonnance du 1er avril a précisé que la prime bénéficie aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail à la date de versement de cette prime ou à la date de dépôt de l’accord collectif ou de la signature de la décision unilatérale.

Le Ministère précise que ces dates sont alternatives et que l’accord ou la décision unilatérale doit préciser quelle date d’appréciation de la présence des salariés est retenue parmi ces options (point 1.7).

  • Absences, temps de présence effective et prime égale à zéro

Le critère de modulation du montant de la prime afférent à la « durée de présence effective pendant l’année écoulée » existe depuis l’entrée en vigueur de la LFSS pour 2020. Ce critère permet d’opérer un abattement sur le montant de la prime en cas d’absence du salarié, quelle qu’en soit sa nature. Cela vise notamment les absences pour maladie, y compris en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle (voir en ce sens concernant des primés liées à la présence effective : Cass. soc., 21 novembre 2012, n° 11-12.126 ; Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-40.311).

Toutefois, même après l’entrée en vigueur de l’ordonnance, l’article 7 de la LFSS mentionne encore très expressément, juste après l’énumération des critères de modulation, que pour le versement de la prime, les absences relatives à la parentalité sont assimilées à des périodes de présence effective (congé de maternité, de paternité, d’accueil ou adoption, congé parental d’éducation, pour enfant malade, pour présence parentale). En conséquence, ces congés ne peuvent entraîner aucune proratisation de la prime.

Pourtant, le Ministère indique désormais que « la prime des salariés absents du fait de l’un de ces congés ne peut être réduite à raison de cette absence, sauf dans les cas où la prime est modulée en application des points 2.5, 2.6 et 2.11», c’est-à-dire soit en cas d’application du critère des conditions de travail liées au Covid-19, soit lorsque l’application des critères de modulation conduit à une prime égale à zéro. 

Or, l’instruction du 15 janvier 2020 précise en sens totalement inverse que « La loi prévoit expressément que la prime exceptionnelle doit être versée à l’ensemble des salariés éligibles. Il en résulte que, dès lors que la modulation aurait pour conséquence de priver certains salariés de cette prime, la condition de versement à l’ensemble des salariés ne serait pas remplie. Il appartient à l’employeur de veiller à fixer un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu » (point 3.7) !

⚠️Là encore, la prudence est de mise face à ces nouvelles précisions ministérielles qui ne sauraient, en cas de contentieux, avoir une quelconque valeur juridique à l’égard du juge.

  • Avances et versement échelonné de la prime

Le Ministère du Travail précise (points 5.1 à 5.4) que :

  • La prime peut faire l’objet d’avances selon les règles de droit commun applicables à toute forme de rémunération ;
  • L’accord ou la DUE instituant la prime peut prévoir un versement en plusieurs échéances, sans aller au-delà du 31 août 2020 ;
  • Lorsque la prime est versée en plusieurs échéances, ses critères d’attribution ne peuvent pas être définis différemment pour chacune de ces échéances. En revanche, les entreprises ayant déjà versé une prime exceptionnelle avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er avril « pourront compléter leur versement initial par un avenant à la convention ou à la DUE », lequel « pourra retenir des critères d’attribution de la prime différents pour ce deuxième versement ».
  1. Activité partielle
  • Une ordonnance planifiée en vue de l’individualisation de l’activité partielle

À ce jour et comme nous l’expliquions dans un précédent flash info, le dispositif d’activité partielle revêt en principe un caractère collectif.

Or, une ordonnance serait en cours d’élaboration afin de permettre une individualisation des demandes d’activité partielle, notamment en vue d’adapter l’activité à un déconfinement progressif.

Cette nouvelle possibilité serait toutefois encadrée par des garde-fous : l’individualisation serait soumise soit à un accord collectif, soit à une décision unilatérale de l’employeur après avis conforme du CSE (ce qui signifie, contrairement à un avis « classique », qu’il s’impose à l’employeur).

Rappelons que la « foire aux questions » diffusée par le Ministère des Solidarités et de la Santé à l’attention des ESSMS PA/PH s’est quelque peu avancée sur le sujet, précisant qu’une allocation d’activité partielle pouvait être demandée pour « un salarié » se trouvant dans l’impossibilité de travailler, notamment en cas « d’impossibilité de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés (télétravail, gestes barrière…) ».

  • De l’arrêt de travail dérogatoire à l’activité partielle

Un amendement au projet de loi de finances rectificatif prévoit de faire basculer, au 1er mai 2020, les salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail soit en tant que personnes vulnérables, soit pour garde d’enfants, vers le dispositif d’activité partielle.

Le gouvernement précise :

« Jusqu’au 30 avril, ces salariés seront indemnisés par leur employeur, en complément des indemnités journalières de sécurité sociale, à hauteur de 90% de leur salaire, quelle que soit leur ancienneté.

Ces dispositions sont rétroactives et s’appliquent aux jours d’absence intervenus depuis le 12 mars.

A partir du 1er mai, les salariés en arrêt de travail pour ces motifs seront placés en activité partielle et percevront une indemnité à hauteur de 70% du salaire brut, soit environ 84% du salaire net. Ces montants seront portés à 100 % du salaire pour les salariés rémunérés au niveau du SMIC. Cette indemnité sera versée au salarié à l’échéance normale de paie par l’entreprise, qui se fera intégralement rembourser par l’Etat dans les mêmes conditions que le reste de l’activité partielle.

Cette mesure permet d’éviter une réduction de l’indemnisation des personnes concernées : sans cette mesure, le niveau d’indemnisation des salariés aurait diminué pour atteindre 66% du salaire après 30 jours d’arrêt pour les salariés justifiant d’une ancienneté inférieure à 5 ans, par exemple. »

  1. Télétravail

Le 17 avril, le Ministère du Travail a diffusé un nouveau « questions-réponses » sur le télétravail durant le contexte épidémique, précisant :

« – L’employeur doit-il verser l’indemnité d’occupation du domicile prévue par la jurisprudence quand l’employeur ne met pas à la disposition du salarié d’autres locaux pour travailler (télétravail à la demande de l’employeur) ? (OEC)

Dans le contexte de crise sanitaire actuel – le télétravail s’effectuant, dans la majorité des cas, sur la totalité de la durée de travail effectif et étant rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise, pour garantir la protection des salariés et pour des raisons de santé publique – il y a lieu de considérer que l’employeur est tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail, destinée à rembourser au salarié les frais découlant du télétravail. En effet, l’employeur a une obligation de prise en charge des frais professionnels. Cette obligation est prévue sans restriction par la jurisprudence et celle-ci, de portée générale, doit couvrir les télétravailleurs.

Toutefois, au regard de la difficulté à identifier et circonscrire les dépenses incombant à l’activité professionnelle de celles relevant de la vie personnelle, l’employeur a intérêt à privilégier une somme forfaitaire qui sera de nature à simplifier sa gestion. Si l’allocation versée par l’employeur est forfaitaire, elle sera réputée alors utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine. Cette allocation forfaitaire exonérée passe à 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour 3 jours par semaine… (consulter le site de l’Urssaf). Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales pourra être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié. »

On constate que le document opère une confusion entre l’indemnité d’occupation du domicile et la prise en charge des frais professionnels, qui sont deux éléments distincts.

En effet, l’indemnité d’occupation du domicile est due à défaut de local professionnel mis à disposition du salarié : elle indemnise le préjudice que cause l’immixtion dans la vie privée du salariée, constituée par l’occupation de son domicile à des fins professionnelles. Ainsi, elle n’a pas la nature d’un salaire et, hors mention expresse, n’est pas incluse dans l’allocation pour frais professionnels (Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 15-11.144 ; Cass. soc., 27 mars 2019, n° 17-21.014).

S’agissant des coûts liés au télétravail, rappelons que l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a supprimé l’obligation de l’employeur quant à leur prise en charge (ancien article L.1222-10 du Code du travail). Certes, la question du maintien de cette prise en charge se pose eu égard au principe jurisprudentiel selon lequel « les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur ». 

Il est toutefois intéressant de relever que le même Ministère du Travail précise, dans son « questions-réponses : télétravail mode d’emploi » actualisé au 4 mars 2020 : 

« Je n’ai pas internet chez moi et je souhaite télétravailler. Puis-je demander à mon employeur de prendre en charge l’ordinateur et les frais de connexion ?

Oui, mais l’employeur n’est pas obligé par la loi d’accepter. »

Une certitude : ces constats appellent à la prudence face à des communications ministérielles sur des sujets qui, bien que conjoncturels, restent juridiques !

Catégories
Flash Info

Covid-19 : Ordonnances du 15 avril, ruptures conventionnelles et procédures disciplinaires

Les ordonnances présentées le 15 avril en Conseil des Ministres ont été publiées au Journal officiel ce jour. S’agissant de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19, nous attirons votre attention sur les deux points suivants.

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 16 avril 2020, date de sa publication.

  1. Sur les ruptures conventionnelles

Pour mémoire, l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période prévoit que :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »

Sur le fondement de cette disposition, bon nombre de DIRECCTE ont estimé que le droit de rétractation des parties à la rupture conventionnelle était prorogé jusqu’à 15 jours calendaires à l’issue de la période « protégée », à savoir un délai d’un mois à compter de la cessation de la période d’état d’urgence sanitaire (soit, à ce jour, jusqu’au 24 juin).

Or, l’ordonnance publiée ce jour prévoit désormais que :

« Le présent article [2] n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits. »

Cette modification de l’article 2 a un caractère interprétatif. »

Ainsi, le délai de rétractation des parties à la rupture conventionnelle demeure de 15 jours calendaires à compter de la signature de la convention, sans être affecté par les ordonnances.

La mention selon laquelle cette modification est de nature interprétative signifie que cette disposition entre en vigueur rétroactivement à la date de publication de l’ordonnance du 25 mars 2020 : sont donc rétroactivement concernées toutes les ruptures conventionnelles conclues avant ce jour.

S’agissant en revanche du délai d’homologation de la convention de rupture, les précisions tant attendues n’ont toujours pas été apportées.

Le texte précise que l’article 9 de l’ordonnance du 25 mars est désormais rédigé ainsi :

« Par dérogation aux dispositions des articles 7 [délais à l’issue desquels la décision de l’administration est acquise implicitement] et 8, un décret détermine les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, de sécurisation des relations de travail et de la négociation collective, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.

Pour les mêmes motifs, un décret peut, pour un acte, une procédure ou une obligation, fixer une date de reprise du délai, à condition d’en informer les personnes concernées.

Les décrets mentionnés aux premier et deuxième alinéas du présent article peuvent, le cas échéant, déroger aux règles fixées à l’article 4 sur le cours des astreintes. »

Cela signifie qu’un éventuel décret pourra fixer une « date de reprise du délai » d’homologation « à condition d’en informer les personnes concernées »… À suivre.

  1. Sur les procédures disciplinaires

L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 précitée figure dans un titre 1er intitulé « dispositions générales relatives à la prorogation des délais ».

La question de son application aux délais de prescription en matière disciplinaire se pose donc (délai de deux mois pour engager les poursuites disciplinaires et délai d’un mois à compter de l’entretien préalable pour notifier la sanction).

L’article 1er de l’ordonnance prévoit une liste de matières pour lesquelles son application est exclue, cette liste étant rallongée par l’ordonnance publiée ce jour. 

Dans la mesure où les délais fixés par le Code du travail en matière disciplinaire ne sont pas visés dans le champ des exclusions, la procédure disciplinaire pourrait donc être concernée.

Néanmoins, le Rapport au Président de la République de l’ordonnance publiée ce jour indique : 

« L’article 2 de cette ordonnance ne constitue ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir. Le mécanisme mis en œuvre par cet article permet simplement de considérer que l’acte ou la formalité réalisé jusqu’à la fin du délai initial, calculé à compter de la fin de la période visée à l’article 1er (état d’urgence sanitaire + un mois), dans la limite de deux mois, sera réputé valablement fait. Il s’agit de permettre d’accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu’il a été impossible de faire pendant la période d’urgence sanitaire augmentée un mois. »

Une telle indication est plus que surprenante dès lors qu’une telle « impossibilité » ne figure pas dans les dispositions de l’ordonnance du 25 mars ni dans celle de ce jour.

Or, en matière disciplinaire par exemple, cette impossibilité pourrait difficilement être caractérisée : les services postaux, notamment pour les LRAR, ne sont – à tout le moins officiellement… – pas arrêtés et l’entretien préalable peut être tenu via différents aménagements (en présentiel, en prenant en charge ses frais de taxi et en veillant au respect des mesures barrières / en audio ou visioconférence avec l’accord du salarié / échanges écrits quant aux griefs et aux observations du salarié et de son assistant…).

Rappelons également que ce rapport n’a aucune valeur juridique et doit donc être lu avec la plus grande prudence.

En tout état de cause, de telles dispositions n’empêchent pas l’employeur d’agir pendant cette période.

Rappelons par exemple que la faute grave est celle qui, par définition, est d’une gravité telle qu’elle empêche le maintien du salarié dans l’entreprise… Ce qui interroge quant à l’appréciation que feraient les juges à l’égard d’un employeur ayant « tardé » à licencier le salarié en se prélavant des dispositions de l’ordonnance. 

Au demeurant, aucune précision n’a, à ce jour, été apportée par le Ministère du Travail. 

Catégories
Flash Info

Covid-19 : Projet d’ordonnance portant diverses dispositions sociales et foire aux questions à destination des ESSMS

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 15 avril 2020, date de sa publication.

Après une semaine de disette législative, étaient au menu du Conseil des Ministres deux ordonnances : l’une « portant diverses dispositions sociales pour faire face à l’épidémie de covid-19 » (disponible ici), l’autre « portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 » (non diffusée).
 
Également à l’ordre du jour, une foire aux questions actualisée relative aux consignes applicables dans les ESSMS PA/PH (disponible ici).
 
Parmi les informations à retenir :
 
Simplification (ou presque) de la procédure d’agrément des accords collectifs
 
Entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, la procédure d’agrément des conventions collectives et accords d’entreprise ou d’établissement (article L. 314-6 du CASF) est « simplifiée ».
 
Pendant cette période, l’avis de la commission nationale d’agrément est réputé rendu, ce qui permet un gain de temps conséquent dans la procédure.
 
Ce qui ne change pas : la demande d’agrément doit toujours être effectuée (via la plateforme Demat-Agrément) et l’accord collectif ne prend toujours effet qu’après agrément du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’action sociale.
 
Attention, cette « procédure accélérée » ne s’applique qu’aux accords collectifs « dont l’objet est exclusivement de préciser les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement ou du service pour la durée de l’état d’urgence » : il s’agit, par exemple, des accords collectifs relatifs à l’imposition des congés payés par l’employeur, ou encore des accords relatifs au télétravail pendant cette même période.
 
Ce critère de « conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement ou du service » étant relativement flou et non explicité par l’ordonnance, nous préconisons d’indiquer expressément :
 
en préambule de l’accord, qu’il est conclu afin de préciser les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement/service durant l’état d’urgence ;dans les dispositions finales de l’accord, une clause relative à l’agrément, précisant que l’accord sera soumis à la procédure d’agrément conformément à l’article L.314-6 du CASF, l’avis de la commission nationale d’agrément étant réputé rendu conformément à l’ordonnance (…).

De plus, les autres accords collectifs demeurent soumis à la procédure habituelle, nécessitant l’avis de la CNA : il pourrait ainsi s’agir des accords collectifs et décisions unilatérales relatifs à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat… y compris nouvelle formule « COVID-19 » !

Réduction des délais de conclusion des accords collectifs

L’ordonnance ne concerne que les accord collectifs :

  • conclus jusqu’à l’expiration du délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
  • dont l’objet est exclusivement de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ainsi qu’aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation.

Sont notamment concernés les délais suivants :

  • Dans les structures dotées de DS : lorsqu’un accord collectif minoritaire est conclu (signature par des OS représentatives entre 30 % et 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections), la demande de consultation des salariés par ces OS peut être effectuée dans les 8 jours à compter de la signature de l’accord. Le délai à compter duquel la consultation peut être organisée est réduit à 5 jours ;
  • Dans les structures d’au moins 50 salariés dépourvues de DS : les élus qui souhaitent négocier disposent d’un délai de 8 jours pour le faire savoir (au lieu d’un mois). À l’issue de ce délai, la négociation s’engage avec les salariés mandatés ou, à défaut, avec des salariés élus non mandatés ;

Dans les structures de moins de 11 salariés : le délai minimum de 15 jours pour consulter le personnel sur le projet d’accord collectif est réduit à 5 jours.
 
Durée du travail
 
De façon très surprenante, la « foire aux questions » diffusée par le Ministère des Solidarités et de la Santé indique :
 
« A quelles règles du droit du travail les ESSMS peuvent-ils déroger ?
 
En application de la loi du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de COVID, les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont autorisés à fixer des durées maximales de travail et/ou minimale de repos dérogatoires par rapport à celles définies dans leurs conventions collectives, dans les limites suivantes :

  1. La durée quotidienne maximale de travail fixée à l’article L. 3121-18 du code du travail peut être portée jusqu’à 12 heures ;
  2. La durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l’article L. 3122-6 du code du travail peut être portée jusqu’à 12 heures, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article ;
  3. La durée du repos quotidien fixée à l’article L. 3131-1 du code du travail peut être réduite jusqu’à 9 heures consécutives, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier ;
  4. La durée hebdomadaire maximale fixée à l’article L. 3121-20 du code du travail peut être portée jusqu’à 60 heures ;
  5. La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives fixée à l’article L. 3121-22 du code du travail peut être portée jusqu’à 48 heures ;
  6. La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives fixée à l’article L. 3122-7 du code du travail peut être portée jusqu’à 44 heures. »
     
    Pourtant, la loi visée par le Ministère habilite « seulement » le gouvernement à permettre, par ordonnance, de déroger à ces règles dans certains secteurs « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale ».
     
    Les dérogations mentionnées sont prévues par l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020.
     
    Or, à ce jour, aucun décret relatif aux secteurs d’activité concernés par les dérogations n’est encore publié… Est-ce l’annonce quelque peu anticipée d’un décret à paraître dans les prochains jours (ou prochaines heures) ?
     
    ⛔️ Attention : ce document n’ayant aucune valeur réglementaire, il est absolument impératif d’attendre la parution du décret pour mettre en œuvre de telles dérogations.
     
    Activité partielle
      
    La « foire aux questions », en contradiction avec les premières affirmations ministérielles, mais en conformité avec les dispositions légales qui n’excluent pas expressément les ESSMS, précise :
     
    « Les ESSMS doivent maintenir autant que de possible la continuité des accompagnements pour les personnes accompagnées. L’ordonnance du 25 mars 2020 relative aux adaptations des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux a prévu à cette fin le maintien de leurs financements, même en cas de sous activité.
    Lorsque la situation le nécessite, les ESSMS sont néanmoins éligibles au dispositif de chômage partiel. Cette solution doit être mobilisée en dernier recours après avoir étudié les logiques de coopération territoriale entre opérateurs qui pourraient être mises en place (mutualisation de services et interventions en établissement en particulier). 
    »
     
    Il est également précisé :
     
    « Il est possible de solliciter une allocation d’activité partielle pour un salarié se trouvant dans l’impossibilité de travailler, dès lors qu’il est dans l’un des cas suivants :
    • baisse d’activité/difficultés d’approvisionnement ;
    • impossibilité de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de [la]
    santé des salariés (télétravail, geste barrière …).
    Afin de pouvoir attester d’une sous-activité, il est nécessaire d’apporter des éléments matériels de fait éclairants sur la sous-activité liée au Covid-19 (par exemple toute annulation formelle, en lien avec les consignes gouvernementales de priorisation des activités).(…) 
    »

Or, à la lecture de l’article L.5122-1 du Code du travail, l’activité partielle revêt un caractère collectif sauf :

  • lorsque l’activité partielle consiste en une réduction de l’horaire de travail, dès lors qu’il y a une alternance parmi les salariés successivement placés en AP ;
  • lorsque le salarié concerné est le seul de son « service » : il s’agirait, par exemple, d’un cuisinier seul dans son service de restauration.

Le Ministère du Travail aurait récemment indiqué qu’un nouveau texte serait prochainement publié afin de permettre à l’employeur de viser dans sa demande d’AP un salarié pris individuellement, et non plus seulement « tout ou partie de l’établissement ».
 
Aucun texte n’ayant toutefois été publié à ce sujet, il convient de rester prudent et d’expliquer très précisément les motifs conduisant à procéder à une telle demande individuelle.

Catégories
Flash Info

Covid-19 : Ruptures conventionnelles et urgence sanitaire, le voile est enfin levé ! 

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 5 avril 2020, date de sa publication.

Comme indiqué dans nos précédentes communications (voir notamment le 16 avril 2020), il existait une incertitude concernant le sort du délai de rétractation et d’homologation de la rupture conventionnelle pendant la période d’urgence sanitaire. 

L’article 2 de l’ordonnance du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 réglait le sort du délai de rétractation, qui n’était donc pas concerné par la prorogation des délais. Cette modification ayant un caractère interprétatif, elle s’appliquait rétroactivement à toutes les ruptures conventionnelles conclues avant et après le 12 mars 2020.

Par un décret publié ce matin au Journal officiel, c’est au tour du délai d’homologation de la rupture conventionnelle de reprendre son cours « normalement ». Attention toutefois, la formule utilisée « le cours des délais (…) reprend à compter » du 26 avril implique donc que le délai d’homologation était bien suspendu depuis le 12 mars 2020

La notice du décret le confirme : « afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative, de la propagation de l’épidémie de covid-19, les délais de certaines procédures administratives ont été suspendus par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Le décret dresse la liste des catégories d’actes, de procédures et d’obligations, prévus par le code du travail, pour lesquels, par dérogation, les délais reprennent leur cours à compter du lendemain du jour de la publication du décret. »

Comment appréhender, dans ces conditions, des procédures « pendantes » devant l’Administration ?

Rappelons qu’en matière de rupture conventionnelle, la date de rupture du contrat n’est qu’une date « envisagée ». Par conséquent, une nouvelle date de rupture du contrat de travail devra être calculée et transmise au salarié

Prenons un exemple :

–  Une RC a été signée le 19 février 2020 ;

–  Le délai de rétractation a expiré le 5 mars ;

–  La DIRECCTE reçoit le dossier le 7 mars : le délai d’homologation court à compter du 8 mars ;

–  Le délai d’homologation est suspendu à compter du 12 mars : 3 jours ouvrables se sont écoulés ; 

–  Le 26 avril, le délai de 12 jours ouvrables restant reprend son cours ;

– Le délai d’homologation expire donc le 12 mai (attention aux dimanches et jours fériés) : l’homologation implicite est acquise au 13 mai.

Évidemment, cette situation pourrait avoir des effets indirects : nous pensons, par exemple, aux salariés ayant signé un nouveau contrat de travail alors que la rupture conventionnelle n’était donc pas « consommée », ou encore au calcul des droits du salarié

Pour les nouvelles demandes formulées à compter de ce jour, il n’y a plus de doute et les unités territoriales devront se conformer à ce décret. Rappelons également que les décisions expresses d’homologation intervenues pendant ce délai (entre le 12 mars et le 26 avril) ne devraient pas être remises en cause.

Enfin, à noter que le délai d’instruction pour les demandes d’autorisation de licenciement des salariés protégés n’est pas visé par le décret. À date, ce délai est donc toujours suspendu du fait des dispositions de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020. Rappelons néanmoins que ces dispositions n’empêchent pas l’autorité administrative de prendre une décision explicite pendant cette période.

Nous ne manquerons pas de vous informer des prochaines évolutions. Bon week-end à tous !

Catégories
Flash Info

De la nécessité de rédiger avec précision la délégation du pouvoir de licencier