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L’ESSentiel – Septembre 2021

Le 31ème numéro de l’ESSentiel, la newsletter en droit du travail pour les employeurs du secteur, est disponible !

Au menu de cette édition de rentrée, le coup de sifflet de la DGT sur la fusion des accords CHRS et de la CCN 66, les dernières actualités conventionnelles, une synthèse des mesures phares de la loi santé au travail, un rappel sur l’activité partielle et les arrêts de travail dérogatoires liés à la covid-19, un décryptage des dernières jurisprudences et un focus sur le forfait mobilités durables.

Bonne lecture !

L’équipe Picard Avocats

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L’arrêt maladie, parade à l’obligation vaccinale ?

Publié dans le magazine Direction[s] n° 201 du mois d’octobre 2021.
Disponible en téléchargement PDF à la fin de l’article et consultable sur le site internet de Direction[s].

Faut-il verser le complément de salaire à un personnel suspendu faute de vaccination ou de présentation du passe sanitaire, mais qui se trouverait empêché pour maladie ? Des outils juridiques pourraient permettre de contrer d’éventuels détournements de l’arrêt de travail. Décryptage.

Lorsque le salarié est soumis à l’obligation de vaccination contre le Covid-19 ou à celle de montrer un passe sanitaire, le défaut de présentation des justificatifs requis emporte suspension de son contrat de travail et de sa rémunération [1]. Face à la crainte grandissante de voir se multiplier les arrêts maladie, le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a annoncé sur France 2 qu’« il n’y aura pas d’arrêt maladie de complaisance » et que des contrôles seraient opérés par l’assurance maladie auprès des médecins prescripteurs. Néanmoins, indépendamment des contrôles annoncés, le salarié pourra-t-il réellement percevoir les indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS) et le complément de l’employeur, alors même que son contrat de travail est déjà suspendu en raison du non-respect des dispositions légales relatives à la vaccination obligatoire ou au passe sanitaire ? La réponse est loin d’être évidente…

1. Le bénéfice des indemnités complémentaires de l’employeur

L’application du critère chronologique : l’œuf ou la poule…

La question est de savoir laquelle des deux causes de suspension du contrat de travail est intervenue la première : l’arrêt maladie ou la suspension du contrat résultant du défaut de respect de l’obligation vaccinale ou du passe sanitaire ? En effet, la Cour de cassation applique traditionnellement un critère chronologique lorsque plusieurs causes de suspension du contrat se succèdent : elle recherche celle qui l’a entraînée en premier, et tant que dure cette suspension, c’est le régime de cette première cause qui s’applique exclusivement. En particulier, par un arrêt rendu en 2008 [2], la Cour de cassation a approuvé le raisonnement de la cour d’appel de Reims qui avait considéré que le salarié n’était pas en arrêt maladie, mais en congé sans solde, dès lors que sa maladie était intervenue après la conclusion de l’accord relatif à ce congé. L’employeur n’était donc pas tenu de compléter le salaire. Dans le même sens, une jurisprudence ancienne a jugé que si le salarié tombe malade au cours d’une grève à laquelle il participe, il continue à être considéré comme gréviste [3].

Si le bien-fondé de ce critère chronologique est contesté par une partie de la doctrine, la jurisprudence sur le sujet n’a pour le moment pas évolué. Bien qu’elle mériterait une confirmation, il en résulterait que :

  • Si l’arrêt maladie intervient avant la suspension du contrat de travail pour défaut de vaccination obligatoire ou de passe sanitaire, il « prime ». Le salarié doit donc percevoir les indemnités complémentaires de l’employeur. En telle hypothèse, ce dernier conserve la faculté de diligenter une contre-visite médicale au domicile par le médecin de son choix, sans être tenu d’en avertir au préalable le personnel contrôlé ;
  • Si l’arrêt maladie intervient après la suspension du contrat de travail pour défaut de vaccination obligatoire ou de passe sanitaire, il « ne compte pas » et aucun complément employeur n’est donc à verser.

En pratique toutefois, une difficulté pourrait être rencontrée lorsque l’arrêt maladie est délivré le même jour que la notification de l’employeur relative à la suspension du contrat de travail. De notre point de vue, dans la mesure où la loi prévoit que lorsque le salarié ne présente pas les justificatifs requis, l’employeur « lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail », il conviendrait de tenir compte de la date, voire de l’heure de cette notification. À ce titre, il est donc particulièrement préconisé aux gestionnaires de se ménager la preuve de la notification effectuée : courrier remis en main propre contre récépissé indiquant la date et l’heure de la remise, ou encore lettre recommandée avec avis de réception (RAR) doublée d’un SMS ou d’un courriel.

Attention toutefois, à la date de rédaction de cet article mi-septembre, ni les autorités ni les principales fédérations patronales du secteur n’avaient communiqué sur cet épineux sujet.

La question de l’incidence des dispositions conventionnelles

Enfin, et pour en saisir toute la complexité, il est à rappeler que si l’article L1226-1 du Code du travail conditionne l’indemnisation complémentaire de l’employeur au versement des IJSS, les textes conventionnels peuvent prévoir des conditions d’octroi plus favorables aux salariés.

  • Au sein de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 (CCN 51), les indemnités complémentaires ne sont servies que lorsque l’arrêt de travail ouvre droit, pour le salarié en cause, aux IJSS [4].
  • Au sein de la CCN du 15 mars 1966 (CCN 66), la logique est différente : les IJSS viennent « en déduction » du maintien de salaire[5], de sorte que l’employeur doit verser les indemnités complémentaires dès lors que les conditions conventionnelles sont remplies, en dépit du refus de pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM)[6].

On peut donc s’interroger sur l’impact du versement ou non des indemnités journalières par la CPAM sur l’obligation, pour l’employeur, de maintenir le salaire en cas d’arrêt maladie survenant alors que le contrat de travail est déjà suspendu en raison du défaut de passe sanitaire ou de vaccination obligatoire.

Néanmoins, l’arrêt de la Cour de cassation de 2008 précité concernait la convention collective nationale des organismes de Sécurité sociale (sic), dont les dispositions relatives au maintien de salaire sont sensiblement similaires à celles de la CCN 66 puisqu’elles prévoient que « dans tous les cas, les prestations en espèces de la Sécurité sociale viendront en déduction des salaires payés ». Or, dans cet arrêt, la Cour a bien considéré que l’employeur n’avait pas à maintenir le salaire du salarié en congé sabbatique.

2. Le bénéfice des IJSS

Là encore, aucune des diverses communications diffusées par les autorités n’évoquait mi-septembre la question de l’éligibilité aux IJSS du salarié dont le contrat de travail est suspendu pour défaut de passe sanitaire ou de vaccination obligatoire.

Bien que la jurisprudence de 2008concernait les indemnités complémentaires de l’employeur et non les IJSS, l’administration a également été amenée à se prononcer sur la question du « concours » entre l’arrêt maladie et le congé sabbatique. L’analogie entre ce dernier et la suspension du contrat de travail liée au défaut de vaccination obligatoire ou de passe sanitaire est intéressante car dans les deux cas, il y a une suspension du contrat de travail sans rémunération.

La circulaire interministérielle n° DSS/SD2/2015/179 du 26 mai 2015, relative aux modalités d’attribution des indemnités journalières dues au titre de la maladie, précise ainsi que « les assurés du régime général peuvent bénéficier de divers congés entraînant la suspension du contrat de travail. Dans certains cas, la protection sociale des bénéficiaires est expressément prévue par le Code de la Sécurité sociale. […] Dans dautres cas, aucune disposition législative nest venue préciser les droits aux prestations en espèces. Il sagit notamment […] du congé sabbatique […]. Pendant son congé, l’intéressé ne perd pas la qualité d’assuré social puisque le contrat de travail n’est pas rompu, mais simplement suspendu : dès lors, il ne peut prétendre au dispositif de maintien de droit prévu à l’article L161-8. En conséquence, aucune IJ ne peut lui être versée pendant la durée du congé sabbatique. »

La cour d’appel de Rouen a d’ailleurs récemment fait application de cette circulaire pour un congé sabbatique survenu en 2015[7], déboutant le salarié en considérant que « du fait de l’intervention de la circulaire du 26 mai 2015 entre la demande déposée auprès de l’employeur (17 novembre 2014) et le début du congé sabbatique (1er juillet 2015), la situation juridique de X… a changé puisque ses droits à indemnités journalières ont disparu. » À la lecture de la circulaire de 2015, la réponse semble donc claire : aucune IJSS ne peut être versée au salarié ayant adressé un arrêt maladie alors que son contrat de travail était déjà suspendu pour défaut de vaccination obligatoire ou de passe sanitaire.

Cependant, lorsque cette circulaire a été publiée, l’article L161-8 du Code de la Sécurité sociale était ainsi rédigé : « Les personnes qui cessent de remplir les conditions pour relever d’un régime obligatoire d’assurance maladie et maternité bénéficient, à compter de la date à laquelle ces conditions ne sont plus remplies, du maintien de leur droit aux prestations en espèces des assurances maladie et maternité, pendant une période définie par décret en Conseil d’État. »

Or, postérieurement, cet article a été modifié par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2018, disposant désormais que « tant qu’elles continuent de remplir les conditions de résidence et de séjour mentionnées à l’article L111-2-3 et ne viennent pas à justifier de nouveau des conditions d’ouverture du droit aux mêmes prestations dans ce régime ou un autre régime, les personnes qui cessent de remplir les conditions d’activité requises pour l’affiliation à l’assurance maladie […] dont elles relevaient jusqu’alors bénéficient du maintien de leur droit aux prestations en espèces pour ces risques pendant une durée déterminée par décret » (12 mois selon l’article R161-3 du même Code).

Selon certains éditeurs juridiques, ce changement de formulation serait de nature à permettre la perception d’IJSS pendant 12 mois à compter de la suspension contractuelle non rémunérée. Toutefois, aucune nouvelle instruction de la Direction de la Sécurité sociale (DSS) n’a été publiée sur le sujet des modalités d’attribution des indemnités journalières dues au titre de la maladie, de sorte que les seules directives officiellement en vigueur sont celles de la circulaire de 2015.

Ce qui est certain et essentiel à retenir, c’est que la question de l’éligibilité du salarié aux IJSS relève de la CPAM, non de l’employeur. Par conséquent, l’attestation de salaire devrait en tout état de cause être établie et adressée par ce dernier. Si l’employeur pratique la subrogation pour le versement des IJSS, il ne peut qu’être préconisé de solliciter la position de la CPAM compte tenu de la suspension du contrat de travail du salarié pour défaut de passe sanitaire ou de vaccination obligatoire, en précisant le cas échéant à la Caisse l’antériorité de la notification de cette suspension par rapport à l’arrêt maladie du salarié.

En conclusion, l’assurance maladie comme l’employeur disposent d’outils juridiques susceptibles de permettre de contrer d’éventuels détournements de l’arrêt de travail pour maladie.

Par Cécile Noël, Juriste
Picard Avocats

[1] Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, articles 1 et 14
[2] Cass. soc., 21 mai 2008, n° 06-41.498
[3] Cass. soc., 17 juin 1982, n° 80-40.973
[4] CCN 51, article 13.01.2.2
[5] CCN 66, article 26 (non cadres) et article 6 de l’annexe 6 (cadres)
[6] Cass., soc., 14 octobre, 1998, n° 96-40.682
[7] CA Rouen, Chambre sociale, 16 septembre 2020, n° 17/02283

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Webinaire

[Webinaire] Passe sanitaire & obligation vaccinale dans les ESSMS

Le 6 septembre 2021, le Cabinet organisait avec le magazine Direction[s] un webinaire autour de la mise en œuvre du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale au sein des ESSMS. 1 heure pour faire le point sur les problématiques liées à leur champ d’application , aux mesures de contrôle et aux conséquences des nouvelles obligations sur les relations de travail.

Intervenants :

  • Noémie Gilliotte, Rédactrice en Chef – Direction[s]
  • Stéphane Picard, Avocat associé – Picard avocats
  • Cécile Noël, Juriste – Picard avocats

Vous l’avez manqué ? Retrouvez le replay ci-après !

Le compte-rendu du webinaire est également disponible gratuitement sous forme de « livre blanc » en cliquant ci-dessous !

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Articles

Établissement distinct et CSE, rappels à l’ordre

Publié dans le magazine Direction[s] n° 200 du mois de septembre 2021.
Disponible en téléchargement PDF à la fin de l’article et consultable sur le site internet de Direction[s].

Un accord n’ayant pas été trouvé avec les instances représentatives du personnel (IRP), une association avait fixé unilatéralement à sept le nombre de ses établissements distincts. Saisie par les syndicats représentatifs de la structure contestant cette décision de l’employeur, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) – qui remplace la Direccte depuis le 1er avril – l’avait annulée considérant qu’un seul et unique CSE devait être mis en place. Le tribunal d’instance de Pantin, saisi quant à lui par l’association s’opposant à la résolution de l’administration, a annulé à son tour celle de la Dreets, confirmant la décision unilatérale au motif que la structure justifiait à son sens des critères caractérisant l’existence de sept établissements distincts. Faute d’avoir procédé à un examen approfondi de la réalité de l’autonomie de gestion caractérisant l’existence d’un établissement distinct, la décision du tribunal d’instance de Pantin a été annulée in fine en toutes ses dispositions par la Cour de cassation [1]. Un jugement dont elle profite pour asséner quelques rappels à l’ordre et prescrire une nouvelle condition à la reconnaissance d’un établissement distinct.

Les juges du fond rappelés à l’étendue de leur office

Le premier enseignement réside dans un avertissement à peine voilé à l’endroit des juges du fond, sommés d’apprécier pleinement les éléments de fait et de preuve invoqués au soutien de la contestation de la décision unilatérale. En effet, si elle avait déjà précisé qu’en cas d’annulation de la décision de la Dreets, le juge devait statuer à nouveau en fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date à laquelle il statue [2], la Cour de cassation invite ici les juges du fond à un examen approfondi des pièces, en s’appuyant sur les documents relatifs à l’organisation interne de l’entreprise et ceux remis par les organisations syndicales à l’appui de leur contestation [3]. À ce titre, la Cour de cassation considère que les syndicats demandeurs, qui reprochaient au tribunal de n’avoir pas analysé – ne serait-ce que sommairement – l’ensemble des pièces versées aux débats, sont recevables à contester la décision unilatérale.

L’autonomie effective des directeurs d’établissements

Pour rappel, si le critère de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement ne s’impose pas aux parties à la négociation d’un accord fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts [4], il en est autrement s’agissant de la décision unilatérale de l’employeur [5]. Un établissement est « distinct » dès lors qu’il présente notamment, en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, « une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service »[6]. Pour autant, les juges du fond ne peuvent se contenter de relever les responsabilités confiées aux directeurs d’établissements, sans établir l’effectivité de leur autonomie de décision dans la gestion du personnel et l’exécution du service. Dès lors, la Cour de cassation estime que sont insuffisantes à emporter la qualité d’établissement distinct la seule production par l’employeur de deux exemples de délégation de pouvoir, ainsi que celle de la négociation d’une rupture conventionnelle, d’une demande d’homologation et d’une convocation à un entretien préalable. Elle accède ici au moyen exposé par les délégués syndicaux qui avançaient que les pouvoirs d’embauche, de sanction et de rupture du contrat n’étaient pas effectivement détenus par les directeurs d’établissements mais par le directeur général.

Quid du périmètre du CSE ?

L’arrêt retient enfin que le découpage de l’association en établissements distincts doit être de nature à « permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel ». Comprendre que, en tout état de cause, la décision unilatérale qui vient définir le périmètre des établissements distincts ne saurait avoir pour conséquence d’affecter – voire d’affaiblir – les prérogatives du CSE en matière d’information et de consultation des salariés.

La formule est reprise dans un arrêt du même jour [7], de sorte que l’on peut légitimement penser que les juges du fond sauront se montrer désormais plus regardants sur le fait que les directeurs d’établissements disposent d’une autonomie suffisante pour l’exercice régulier des compétences et attributions dévolues aux comités d’établissements.

Par Hugo Steverlynck, avocat

[1] Cour de cassation, chambre sociale, 9 juin 2021, arrêt n° 19-23.745
[2] Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 19-11.918
[3] Cass. soc., 22 janvier 2020, n° 19-12.011
[4] TGI Paris, 18 juin 2019, n° 19-01485
[5] Code du travail, article L2313-4
[6] Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 18-23.655
[7] Cass. soc., 9 juin 2021, n°19-23.153