Catégories
Infographies

Infographie : la contestation de l’utilisation des heures de délégation

Catégories
Articles

La transaction, outil de sécurisation des conflits

Article publié dans le magazine Direction[s] n° 167 de septembre 2018

À l’occasion de récentes décisions rendues par la Cour de cassation, retour sur deux modes de résolution des contestations individuelles en matière de droit du travail : la transaction et la conciliation prud’homale.

En application de l’article 2044 du Code civil, « la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». Outil privilégié des directions des ressources humaines, la transaction permet de sécuriser le conflit avec un salarié tenant à la conclusion, l’exécution ou la rupture du contrat du travail.

Une rédaction désormais allégée

Après avoir longtemps exigé que la transaction mentionne de façon exhaustive les droits aux-quels le salarié acceptait de renoncer (lesquels devaient être exclusivement liés au différend ayant donné lieu à l’accord transactionnel), la Cour de cassation a récemment confirmé l’assouplissement de sa jurisprudence initiée depuis 2014.

Dorénavant, la haute juridiction considère qu’une formulation globale suffit à sécuriser intégralement le conflit et à se prémunir contre toute éventuelle prétention ultérieure du salarié. Cette solution sonne la fin des listes interminables de renonciation du professionnel. Si ces dernières peuvent encore avoir un intérêt pédagogique pour lui, il convient d’éviter la rédaction de clauses inutilement lourdes et complexes.

Ainsi, la formulation selon laquelle « le présent accord règle définitivement tous les comptes, sans exception ni réserve, pouvant exister entre les parties, lesquelles renoncent irrévocablement à tout droit, action ou indemnité de quelque nature que ce soit qui résulterait de la conclusion, de l’exécution ou de la cessation du contrat de travail » [1] est donc désormais suffisante.

Faute grave, préavis et indemnité transactionnelle globale

En matière de licenciement disciplinaire, le secteur social et médico-social est marqué par des dispositions conventionnelles restrictives : un salarié ne peut être licencié pour un motif disciplinaire s’il n’a pas fait l’objet d’une sanction préalable (convention collective nationale – CCN – du 31 octobre 1951) ou deux (CCN du 15 mars 1966), sauf en cas de faute grave. Ces clauses créent un effet boomerang, incitant en pratique au licenciement pour faute grave. Or, en cas de transaction, la question du sort du préavis était source d’incertitude pour les parties. En effet, en cas de contrôle de l’Urssaf, le risque de redressement était important puisque la doc-trine interne de l’administration consistait à retraiter une partie de l’indemnité globale (dommages et intérêts) en salaire, entraînant ainsi le paiement de charges sociales.

Portant un coup certain à cette position administrative, la Cour de cassation est récemment venue assouplir le régime social de l’indemnité transactionnelle. Elle rap-pelle d’abord que lorsque cette dernière a pour objet l’indemnisation d’un préjudice, l’indemnité versée à l’occasion d’une transaction est exonérée des cotisations sociales. Partant de ce principe, ’indemnité globale forfaitaire transactionnelle versée à un salarié licencié pour faute grave ne saurait être soumise à cotisations, dès lors que les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies :

  • l’employeur ne renonce pas au licenciement pour faute grave ;
  • l’indemnité transactionnelle ne comporte aucune indemnité de préavis et de licenciement ;
  • le salarié n’a pas exécuté de préavis et s’engage à ne demander aucune indemnité et à n’en-gager ou poursuivre aucun contentieux [2].

Dès lors, il est impératif de suivre scrupuleusement cette grille en trois temps livrée par la Cour de cassation pour se prému-nir d’un redressement de l’Urssaf.

Pôle emploi et différé spécifique : transaction ou conciliation ?

Rappelons tout d’abord que l’employeur a pour obligation de déclarer auprès de Pôle emploi le versement d’une indemnité transactionnelle réalisé après la rupture du contrat de travail. Sur la base de cette information, Pôle emploi doit alors appliquer un différé spécifique d’indemnisation. D’une durée maximum de 150 jours, celui-ci est calculé en divisant le montant des indemnités de rupture supérieures au minimum légal par 92,6. Un tel différé est venu largement impacter l’opportunité de conclure une transaction puisque l’indemnité transactionnelle est en grande partie « consommée » par le différé spécifique appliqué par Pôle emploi.

Pour gommer cette conséquence, une nouvelle voie a été ouverte : la conciliation prud’homale, considérée par de nombreux praticiens comme le nouvel eldorado de l’optimisation sociale et fiscale. La raison en est relative-ment simple : l’absence de différé spécifique d’indemnisation appliqué par Pôle emploi dès lors que l’indemnité de conciliation versée reste dans le cadre des limites fixées par l’article D1235-21 du Code du travail, outre l’exonération d’impôt sur le revenu et de charges sociales. Ce mode de résolution amiable présente un intérêt majeur pour les salariés dont l’ancienneté est importante et qui disposent d’une rémunéra-tion significative.

Toutefois, une réserve doit être émise quant à cette modalité d’optimiser la sécurisation d’une rupture : à la lecture de l’article L1235-1 du Code du travail, le barème de conciliation ne concerne que les conséquences indemnitaires de la rupture du contrat. En théorie, il ne couvre donc pas le risque lié à la conclusion ou à l’exécution du contrat de travail. De même, un salarié licencié pour faute grave pourrait maintenir des demandes au titre du préavis et de l’indemnité de licenciement. Cependant, rien ne semble s’opposer à ce que les parties étendent le périmètre de la conciliation pour y inclure la conclusion et l’exécution du contrat de travail.

Rupture conventionnelle et transaction : la liaison interdite

Par ailleurs, la rupture conventionnelle homologuée par l’administration pouvant être contestée devant le conseil de prud’hommes, il semblerait logique de pouvoir transiger à la suite d’un tel mode de rupture du contrat de travail. Toutefois, la Cour de cassation est clairement venue mettre un coup d’arrêt à cette pratique en considérant purement et simplement qu’une telle opération n’était pas possible [3].

Cependant, la jurisprudence autorise que la transaction puisse avoir pour objet de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail rompu par rupture conventionnelle, sur des éléments non compris dans la convention de rupture. Or, dans un contexte conflictuel, le salarié pourrait tout à fait remettre en cause la rupture conventionnelle intervenue et demander qu’elle produise les effets d’un licencie-ment sans cause réelle (versement de l’indemnité de licenciement, du préavis et des dommages et intérêts), en dépit de l’indemnité transactionnelle perçue au titre de l’exécution de son contrat de travail. Étant précisé qu’en tel cas, le salarié est cependant dans l’obligation de restituer à l’employeur l’indemnité de rupture conventionnelle versée en exécution de la convention de rupture [4].

En conclusion, nous venons d’entrer dans l’ère de la conciliation qui annonce peut-être celle à venir de la médiation, surtout si des incitations sociales et fis-cales venaient être attachées à ce mode de résolution alternatif des conflits.

Seuils d’exonération des cotisations sociales

L’appréciation des différents seuils d’exonération de contributions et cotisations sociales est un véritable casse-tête pour les services de paie. Contrairement à une idée répandue, la limite des deux plafonds annuels de la Sécurité sociale (79 464 euros pour 2018) n’est pas le plafond automatique d’exonération de cotisations et contributions sociales. En effet, il convient également de prendre en compte le plus élevé des trois montants suivants : le double de la rémunération annuelle perçue lors de l’année civile précédant la rupture ; le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ; ou 50 % de l’indemnité totale versée. Si aucun de ces montants ne dépasse 79 464 euros, la limite d’exonération sera constituée par le plus élevé des trois montants. La situation du salarié en arrêt maladie doit être regardée avec une attention particulière puisque la Cour de cassation a précisé que l’appréciation de la limite relative au double de la rémunération ne doit pas entraîner une reconstitution du salaire théorique : c’est bien la rémunération effectivement perçue qui doit être prise en compte (Cass. soc., 21 septembre 2017, n° 16-20-580).

Stéphane Picard & Cécile Noël
Picard avocats

Références :
[1] Cass. soc., 31 janvier 2018, n° 16-20.508
[2] Cass. soc., 21 juin 2018, n° 17-19.773
[3] Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-21.136
[4] Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-15.273