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L’ESSentiel – Juin 2020

L’ESSentiel se déconfine avec la sortie de son 21ème numéro !

Au menu de cette nouvelle édition : la prime Covid à l’épreuve de l’égalité de traitement, les nouveautés en matière d’activité partielle, de CDD et de prêt de personnel à but non lucratif, une sélection des dernières jurisprudences et un focus sur le télétravail à l’heure du déconfinement.

Bonne lecture !

L’équipe Picard avocats

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Flash Info

Prime ESMS : entre avancée et incertitude

Note aux lecteurs : cet article est à jour au 24 juin 2020, date de sa publication.

Nous l’évoquions dans notre précédent article sur le sujet : si l’instruction du 5 juin 2020 et son annexe 10 ont dévoilé les premiers contours de la « prime Covid » pour les établissements sociaux et médico-sociaux, de nombreuses zones d’ombres demeurent sur les modalités de mise en place et de financement de cette prime.

Aussi, les communications et prises de position diverses émanant des autorités de tutelle n’ont fait que renforcer les interrogations des organismes gestionnaires.

Si l’instruction du 5 juin 2020 entérine  le financement par l’ars et apporte des précisions pour les établissements financés ou cofinancés par l’Assurance Maladie, ceux financés par les conseils départementaux (CD) apparaissaient dépendants des volontés de leurs financeurs…

Une question revient alors fréquemment : cette prime peut-elle ou doit-elle être versée compte tenu des seules exigences fixées par ces autorités ?

Les associations gérant des structures aux financements divers se retrouvent en effet confrontées à la difficile conciliation entre financement de la prime et respect du principe d’égalité de traitement entre les salariés.

Les actions des acteurs du secteur semblent néanmoins avoir porté leur fruit puisqu’un amendement adopté ce 23 juin en Commission des Finances vient introduire dans la troisième loi de finances rectificative le principe d’une prime de 1.500 euros pour la quasi intégralité des ESMS.

Aussi, cet amendement n’opère aucune distinction entre les établissements selon leur mode de financement.

Les associations disposant de financement ARS et CD pourraient donc ne plus avoir à se poser la difficile question de l’articulation entre la prime « PEPA » et la prime « ESMS » dont le financement est pris en charge pour les structures financées par l’ARS eu égard à l’instruction du 5 juin 2020.

Toutefois, il reste encore des zones d’ombres et la prudence est encore de mise.

En particulier, cet amendement proposé (et adopté) par le rapporteur général de la commission et membre de la majorité parlementaire, laisse la possibilité pour les ESMS de verser ou non cette prime.

Dès lors, et quand bien même l’amendement prévoit une dispense d’agrément de la DUE ou de l’accord collectif, la question de l’opposabilité de ce texte et donc de la prime aux conseils départementaux reste entière. Cette opposabilité ne pose pas question pour les structures / établissements financés par l’ARS compte tenu de l’instruction du 5 juin diffusée et qui doit être prochainement publiée.

En effet, beaucoup de CD ont d’ores et déjà communiqué sur le financement d’une prime « PEPA » ou d’une prime « ESMS » – ce qui témoigne de la confusion opérée entre les deux dispositifs pourtant distincts – selon des critères « maison » dont la sécurité juridique peut laisser perplexe.

De nombreuses associations financées par les CD ont également déjà communiqué auprès des salariés concernant le versement rapide d’une telle prime… Un rétropédalage pourrait être judicieux dans l’attente des éclaircissements sur les modalités définitives de la prime « ESMS » et son opposabilité aux CD.

Il est donc vivement recommandé de patienter, étant précisé que le texte définitif pourrait intervenir dans le courant du mois de juillet. La publication d’un décret précisant la mise en œuvre de la prime n’est pas à exclure (à l’instar de la prime octroyée dans la fonction publique) mais n’est à ce jour pas prévue en l’état de la rédaction de l’amendement.

Soulignons enfin que l’amendement prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er juin… Indéniablement pour entériner les termes de l’annexe 10 à l’instruction du 5 juin, qui ouvrent la possibilité de verser la prime avant la publication des textes l’instituant.

Mais comment articuler un versement rapide et financé avec la sécurité juridique de l’opération ?

La manœuvre apparaît délicate et nous ne pouvons que déconseiller de naviguer à vue. À suivre !

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Recrutement

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Le cabinet propose un stage pour la période estivale, du 29 juin au 28 août (dates ajustables), éventuellement renouvelable.

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Nous accompagnons quotidiennement en conseil, contentieux et formation une clientèle d’employeurs principalement composée d’associations, de fondations et de fédérations patronales du secteur de l’économie sociale et solidaire (sanitaire, social, médico-social, aide à domicile, insertion, animation, formation).

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À très vite 🙂

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Articles

La gestion des heures des commissions du CSE

Article publié dans le magazine Direction[s] n° 187 de juin 2020

La réglementation relative aux heures passées en commissions du comité social et économique (CSE) suscite bien des interrogations. En effet, le législateur donnant davantage de place à la négociation collective, les dispositions juridiques ne règlent que partiellement le régime applicable en la matière.

Le principe de la gestion des heures consacrées aux commissions est posé par l’article L2315-11 du Code du travail : le temps passé par les membres de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) aux réunions de celui-ci et de ses commissions est rémunéré comme du temps de travail effectif et n’est pas déduit des heures de délégation, dans la limite

d’une durée globale fixée par accord d’entreprise ou à défaut par décret en Conseil d’État. Cette limite annuelle est fixée à [1] : 

– 30 heures pour les entreprises de 300 à 1 000 salariés ; 

– 60 heures pour les entreprises de plus de 1 000 salariés.

Ce même décret prévoit que le temps consacré à la réunion de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est également payé comme du temps de travail, non déduit des heures de délégation pour les membres titulaires du CSE.

Les commissions encadrées par ce crédit d’heures 

Une première incertitude était relevée à la lecture de l’article L2315-11 du Code du travail, qui semblait inclure dans le calcul de la durée annuelle globale des heures de délégation le temps passé aux réunions du CSE, de la commission économique et des « autres commissions », à savoir celles dédiées à la formation, l’information et l’aide au logement, à l’égalité professionnelle ou toute autre commission conventionnelle. Le ministère du Travail a apporté des premiers éclaircissements. D’une part, le temps passé en réunion du CSE n’est jamais déduit des heures de délégation [2] ; d’autre part, la limite des 30 ou 60 heures ne s’applique que pour les réunions des autres commissions, excluant ainsi celles du CSE et de la CSSCT [3]. 

Le quota ne s’applique pas aux réunions présidées par l’employeur, contrairement à celles présidées par un membre du CSE.

Une distinction semble donc être opérée entre les réunions présidées par l’employeur (CSE et CSSCT), qui ne se voient pas appliquer le quota fixé par décret, et les autres présidées par un membre du CSE. Ce raisonnement conduirait à considérer que le temps passé aux réunions de la commission économique présidées par l’employeur [4] inciterait ce dernier à tenter de faire passer, lors des négociations sur l’accord de fonctionnement du CSE, la présidence des commissions prévues conventionnellement systématiquement par un élu. Une précision sur ce point serait néanmoins la bienvenue. En effet, l’enjeu est important puisqu’au-delà des limites posées par le Code du travail [5], le temps passé par les membres de la délégation du personnel au CSE en réunion des autres commissions est déduit de leurs heures de délégation.

Quid des membres des autres commissions n’appartenant pas à la délégation du personnel ?

Pour mémoire, les membres de ces commissions peuvent être choisis parmi des salariés de l’entreprise

n’appartenant pas au CSE [6] et ne disposant ainsi pas d’heures de délégation. Ces salariés, et à défaut de dispositions plus favorables, pourraient être contraints de solliciter une autorisation d’absence auprès de leur responsable pour participer aux réunions des autres commissions. Dans ces conditions, un accord d’entreprise aurait tout intérêt à prévoir des moyens spécifiques pour ces membres non élus. 

Qu’en est-il du CSE central ?

Il demeure également une incertitude lorsque ces « autres commissions » sont instituées au niveau du CSE central (CSEC). Sauf accord d’entreprise, le temps passé aux réunions par les membres élus du CSEC ne devrait a priori pas être imputé de leur crédit d’heures, dans la limite du quota fixé par l’article R2315-7 du Code du travail. Pour le surplus, et faute d’heures de délégation légalement attachées au mandat de membre du CSEC, le temps passé à ces réunions serait alors déduit des heures de délégation dont ils bénéficient en tant qu’élus au CSE d’établissement.

Selon le ministère du Travail [7], concernant les représentants syndicaux, lorsqu’ils sont désignés pour être membres des autres commissions, le temps dédié aux réunions des commissions du CSE n’est pas rémunéré comme du temps de travail effectif et pourra être pris sur les heures de délégation.  La négociation d’un accord collectif d’entreprise traitant notamment du fonctionnement des commissions du CSE est donc vivement encouragée.

Marion Soler, avocate,

Cabinet Picard avocats

[1] Code du travail, article R2315-7

[2] Questions-réponses sur le CSE

n° 73, Le comité social et économique en 117 questions-réponses, version de janvier 2020, à télécharger sur

https://travail-emploi.gouv.fr

[3] Questions-réponses sur le CSE n° 81

[4] Code du travail, article L2315-47

[5] Code du travail, article R2315-7

[6] Code du travail, article R2315-28

[7] Questions-réponses sur le CSE

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Webinaire

[Webinaire] La responsabilité de l’employeur face au Covid-19

Le 16 juin 2020, le Cabinet organisait en partenariat avec le Magazine Direction[s] et la Fédération Nationale des Acteurs de la Solidarité, un webinaire sur la responsabilité civile et pénale de l’employeur durant le contexte épidémique.

Vous l’avez manqué ? Retrouvez le replay ci-après !

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Flash Info

Prime ESMS : des précisions attendues !

Après des annonces – parfois discordantes – et plusieurs semaines de discussion entre le gouvernement et les organisations patronales du secteur sanitaire, social et médico-social, les contours de la « prime covid » se dévoilent enfin.

En particulier, a été diffusée une instruction n° DGCS/SD5C/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2020/87 du 5 juin 2020, qui doit être prochainement publiée, dont l’annexe 10 traite de la « mise en place d’une prime exceptionnelle pour les personnels des établissements et services médico-sociaux privés et publics dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 ».

L’annexe précise que le principe du versement, de la défiscalisation et de la désocialisation de la prime sera inscrit dans la prochaine loi de finances rectificative. Or, le projet de loi a été déposé ce mercredi 10 juin à l’Assemblée nationale et ne fait, à ce jour, aucune référence à la prime. 

À ce jour, le seul document permettant aux organismes gestionnaires d’étudier les modalités de versement de la prime est donc l’annexe 10 précitée… Qui appelle plusieurs interrogations.

  1. Le champ d’application de la prime

Concernant les établissements visés par la prime, sont concernés :

  • Les établissements et services accueillant des personnes âgées éligibles à la prime, visés au 6° L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) ;
  • Les établissements et services accueillant des adultes et enfants en situation de handicap visés aux 2°,3°, 5° et 7°, 11 ° et 12° du L. 312-1 du CASF ;
  • Les établissements médico-sociaux financés sur l’ONDAM spécifique visés au 9° de l’article L. 312-1 du CASF (d’accueil médicalisés (LAM) ; lits halte soins santé (LHSS) ; appartement de coordination thérapeutique (ACT) ; centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues (CAARUD).

Concernant les personnes bénéficiaires, sont visés :

  • L’ensemble des professionnels (personnels médicaux et non médicaux) ;
  • Titulaires, contractuels, apprentis ;
  • Toute filière professionnelle confondue ;
  • Personnels de renfort (notamment mise à disposition) à l’exclusion des personnels intérimaires.

En premier lieu, il est à noter qu’à la stricte lecture de ces indications, les associations et fondations dotées de structures diverses ne devraient en principe verser cette prime qu’à leurs seuls établissements sociaux et médico-sociaux. Par conséquent, seraient par exemple exclus les personnels du siège malgré leur poursuite d’activité durant le contexte épidémique. 

Une telle exclusion, susceptible de générer une différence de traitement au sein d’une même association, pourrait être peu acceptée socialement. Existerait-il alors d’autres biais pour récompenser, de la même manière, les personnels des établissements non visés par l’annexe 10 ?

Deux « pistes » pourraient être creusées :

  • d’une part, l’annexe 10 se réfère aux « Personnels de renfort (notamment mise à disposition) » : il pourrait donc être envisagé de verser la prime aux salariés des établissements « non ESSMS » étant intervenu en soutien aux ESSMS durant la crise sanitaire ;
  • d’autre part, la possibilité de verser un complément de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) aux salariés des établissements « exclus » de la prime, sur le fondement du critère des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19. À noter que contrairement aux premières annonces, la prime « ESSMS » est en effet cumulable avec la PEPA.

L’une comme l’autre de ces hypothèses impliquent une analyse casuistique de la situation de l’association gestionnaire, l’enjeu étant de sécuriser juridiquement tant le risque Urssaf que le risque de contentieux prud’homal en rappel de prime.

  • La prise en compte des absences liées à la maladie, aux accidents de travail et aux maladies professionnelles

L’annexe 10 à l’instruction du 5 juin 2020 indique :

« Public : présence effective du personnel sur la période de référence comprise entre du 1er mars au 30 avril (télétravail inclus).

Règles d’abattement : Le montant de la prime exceptionnelle est réduit de moitié en cas d’absence d’au moins quinze jours calendaires pendant la période de référence.

Les agents absents plus de 30 jours calendaires au cours de cette même période ne sont pas éligibles.

L’absence est constituée pour les motifs hors congé de maladie, accident de travail ou maladie professionnelle (présomption d’imputabilité au virus Covid-19), les congés annuels et les congés au titre de la réduction du temps de travail.

Condition pour les personnels médicaux : exercice sur une durée équivalente au moins cinq demi-journées par semaine en moyenne au cours de la période.

Pour les gestionnaires de droit privé, ces critères de répartition sont indicatifsLes critères de versement aux professionnels concernés doivent pouvoir être déterminés par les structures par accord d’entreprise ou d’établissement ou par décision unilatérale de l’employeur, non soumis à agrément ministériel défini à l’article L. 314-6 du CASF»

La mention « dès lors que » interroge : le texte vient-il « directement » présumer toute absence pour maladie / AT / MP imputable au Covid pour le versement de cette prime ? Subordonne-t-il cette présomption à la parution d’un prochain texte (présomption qui avait été évoquée par le Ministre des Solidarités et de la Santé concernant les soignants) ? Est-il nécessaire que le salarié produise une preuve du lien entre son « congé » et le Covid-19, sachant que l’origine d’un arrêt maladie relève du secret médical ?

Sur ce point, nous avons notamment été informés que l’ARS du Grand-Est considérerait que cette imputabilité pourrait être fondée sur une attestation sur l’honneur du personnel concerné. Cela reviendrait donc à considérer qu’un salarié pourrait s’auto-constituer une preuve de présomption d’imputabilité de son arrêt au Covid-19… Ce qui n’a, juridiquement, aucun sens.

Par ailleurs, rappelons que le confinement a débuté le 17 mars, l’état d’urgence sanitaire le 24 mars et la « période juridiquement protégée » le 12 mars. Dès lors, pourquoi retenir une date de début de période de référence au 1er mars ? Dans le même sens, le texte ne précise pas qu’il vise le congé de maladie / AT / MP qui aurait débuté pendant la période de référence. Qu’en est-il donc pour un salarié placé en arrêt maladie depuis fin février ou depuis 6 mois ?

Des précisions – précises ! – au sein de la loi de finances rectificative seraient donc les bienvenues.

Rappelons en effet que même si l’intention affichée est de favoriser les personnels ayant maintenu leur activité durant le contexte épidémique, la loi s’interprète « d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte »[1].

  • Le caractère indicatif des critères de la prime

L’annexe 10 de l’instruction précise que « Les critères de versement aux professionnels concernés doivent pouvoir être déterminés par les structures par accord d’entreprise ou d’établissement ou par décision unilatérale de l’employeur ».

« Doivent pouvoir être » et non « doivent être »… Un organisme gestionnaire peut-il donc verser directement la prime sur le fondement des critères légaux, sans passer par la voie d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale ? Est-ce un « acte fondateur » exigé pour le bénéfice de l’exonération sociale et fiscale ?

Par ailleurs, si l’organisme gestionnaire souhaite « prendre la main » sur les critères de versement, peut-il exclure les personnels absents, y compris en cas de congé de maladie, de maladie professionnelle ou d’accident de travail, puisque ces absences figurent dans la liste des critères du secteur public censés être « indicatifs » pour le secteur privé ?

La réponse à cette question a son importance puisque rappelons que « si l’employeur peut tenir compte des absences, même motivées par la grève, pour le paiement d’une prime, c’est à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution »[2].

Enfin, l’annexe 10 précise que « les employeurs ont toutefois la possibilité de verser cette prime par anticipation, sans attendre la publication des textes. » Or, les modalités de versement de la prime « ESSMS » comporte à ce jour des zones d’ombres venant d’être évoquées et qui, traduites juridiquement, peuvent exposer l’organisme gestionnaire à un risque en cas de contrôle Urssaf ou d’action contentieuse diligentée devant la juridiction prud’homale. Outre la loi de finances rectificative, une foire aux questions est attendue. Le présent « flash info » comportera donc un seul conseil : attendre la publication des textes !


[1] Cass. soc., 25 mars 2020, n° 18-12.467

[2] Récemment : Cass. soc., 8 janvier 2020, n° 18-17.553

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Articles

Les structures doivent tracer les mesures de prévention mises en œuvre durant la crise

Article publié dans la revue Hospimédia le 05/06/20

Depuis le début de la crise sanitaire, les directeurs d’établissements et services médico-sociaux (ESMS) ont eu à assumer une double charge, relève Jérôme Voiturier, directeur général de l’Uniopss. Celle d’assurer la sécurité des salariés et des personnes accompagnées, tout en poursuivant l’accompagnement auprès des plus fragiles. Aux difficultés liées à la crise elle-même, s’est ajoutée une complexité réglementaire avec une avalanche de textes, « parfois contradictoires et difficiles à mettre en application », souligne-t-il ce 5 juin à l’occasion d’un webinaire consacré à la prévention et à la responsabilité des structures face aux risques d’exposition et de contamination au Covid-19. Une conférence organisée conjointement par l’Uniopss et l’Uriopss Île-de-France.

Prévention des risques, prudence et sécurité, les établissements et services médico-sociaux répondent à plusieurs obligations qui peuvent engager leur responsabilité civile ou pénale. Les structures ont ainsi à leur charge une obligation de sécurité, qui est obligation de « moyens renforcés » depuis 2015, signale Stéphane Picard, avocat au sein du cabinet Picard avocats. « Si l’employeur doit faire tout son possible, il n’est pas tenu à l’impossible », insiste-t-il. Les structures doivent donc mettre en œuvre tous les moyens de prévention à leur disposition mais aussi évaluer les risques, ajoute l’avocat.

Une « forme d’insécurité juridique »

Face à cette situation inédite, à la pénurie de masques en début de crise et aux normes parfois contradictoires, la responsabilité civile « va être traitée au cas par cas », analyse Stéphane Picard, selon la nature de l’activité, le niveau d’exposition au risque, etc. Il existe donc « une forme d’insécurité juridique », concède-t-il. La jurisprudence n’a pas encore apporté son éclairage, puisque les premières décisions des tribunaux de première instance ne vont pas toutes dans le même sens. Reste donc à attendre les décisions de cours d’appel, puis de la Cour de cassation. D’ici là, insiste l’avocat, les établissements doivent évaluer les risques, les éviter au maximum mais aussi adapter la charge de travail, planifier des mesures et communiquer auprès des représentants du personnel et des salariés.

« Première étape indispensable », la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels doit être réalisée par l’employeur, ajoute Stéphane Picard. Ce document doit bien sûr traiter de l’exposition ou de la contamination par le coronavirus « mais il ne faut surtout pas oublier les risques psychosociaux », ajoute-t-il. Autre point important, l’évaluation des risques doit être faite par unité de travail. Quant aux représentants du personnel, ils doivent systématiquement être associés à la démarche.

L’épidémie de Covid-19 a amené un nouveau questionnement concernant le document unique d’évaluation des risques, celui d’inscrire, ou non, la prévention contre le risque biologique spécifique. En principe, ces mesures inscrites dans le Code du travail ne s’appliquent que lorsque des salariés sont en contact délibéré avec un agent biologique (lire notre article). Néanmoins, deux tribunaux se sont prononcés en faveur de leur application dans le cadre de la crise sanitaire. D’autres juges ont statué dans le sens contraire. Là encore, en attendant une prise de position par une cour d’appel, l’incertitude va perdurer. La décision d’inscrire ce risque dans le document unique appartient donc aux établissements et services.

Documenter et tracer

Pour éviter de voir leur responsabilité civile engagée, les ESMS doivent démontrer que toutes les mesures de prévention possibles ont été mises en place. Pour cela, il est nécessaire de documenter et de tracer les actions réalisées. Stéphane Picard liste quelques exemples : dater et signer les affichages, demander une signature des salariés lors de la remise du kit de reprise, compiler l’ensemble des documents adressés par l’ARS ou le conseil départemental. L’avocat signale une autre « bonne pratique », celle de la désignation d’un référent Covid-19 au sein des structures.

Les ressorts de la responsabilité pénale ne sont pas les mêmes mais, là encore, Matthieu Hénon, avocat au sein du cabinet Seban & associés, recommande aux établissements et services de documenter leurs actions. Si la responsabilité civile doit permettre l’indemnisation d’un préjudice, la responsabilité pénale est « destinée à sanctionner des comportements que la loi a érigé en infractions », explique-il. Plusieurs plaintes ont déjà été déposées, notamment à l’encontre d’Ehpad, pour des motifs d’homicide involontaire ou de mise en danger de la vie d’autrui (lire notre enquête). L’avocat cite également le délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel qui pourrait être opposé aux structures.

Considérer la situation particulière liée au Covid-19

Une condamnation ne pourra être prononcée que si un établissement ou service n’a pas accompli les diligences normales, « au regard de ses compétences, de ses moyens, de ses connaissances » au moment des faits reprochés. « D’où l’importance de tout documenter », insiste Matthieu Hénon. Il préconise de constituer un dossier avec l’ensemble des mesures, celles qui ont été un succès « mais aussi celles qui ont échoué ». « Si un établissement a commandé des masques mais ne les a pas reçus, il est important de garder une trace. » Même chose pour les différents échanges avec les tutelles. Les ESMS « doivent faire preuve d’une particulière vigilance » mais ne peuvent exclure une plainte qui pourrait être déposée, « cela implique de s’y préparer ».

Matthieu Hénon revient sur la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, qui est venue préciser la responsabilité pénale des employeurs. Pour l’avocat, la volonté du législateur était d’attirer l’attention sur la situation particulière liée au Covid-19, souligne-t-il (lire notre article). Néanmoins, l’article 121-3 du Code pénal prévoit déjà cette appréciation concrète « au regard des moyens et du contexte ». La loi n’a donc pas réellement changé les règles existantes, estime l’avocat. À tel point, constate Matthieu Hénon, que le Conseil constitutionnel a validé le texte en formulant la même analyse.

Cécile Rabeux – Crédit : Hospimédia Publié le 05/06/20