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#3 : La réalisation des entretiens professionnels

Troisième volet de notre série « check-list des obligations sociales avant le 31 décembre » : entretiens professionnels, attention à l’abondement correctif !

Selon les dispositions des articles L. 6315-1 et L. 6323-13 du Code du travail, le compte personnel de formation (CPF) du salarié est abondé lorsqu’au cours d’une période de 6 ans, ce dernier n’a pas bénéficié des entretiens professionnels prévus et d’au moins une formation autre qu’une formation « obligatoire ».

Cet abondement correctif d’un montant de 3.000 euros doit être versé par l’employeur de sa propre initiative dès lors qu’il a manqué aux dispositions précitées.

Zoom sur le dispositif qui a subi de nombreuses modifications et aménagements depuis son introduction dans le corpus législatif par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 et notamment par la loi « avenir professionnel » n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

Comment s’appliquent les dispositions de l’article L. 6323-13 du Code du travail dans le temps ?

Au-delà de sa méconnaissance par certaines structures, la complexité du dispositif tient au fait que :

  • il est issu d’une loi de 2014 ;
  • il a été modifié en 2018 ;
  • il a été créé une période transitoire ouvrant un droit d’option pour l’employeur jusqu’au 31 décembre 2020 ;
  • il s’apprécie sur une période de 6 ans calquée sur l’ancienneté du salarié (période de 6 ans qui est donc glissante en fonction de la date d’embauche).

Chaque étape a donc son importance et nécessite quelques rappels préalables.

En 2019, il a été introduite une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2020. Ainsi, les employeurs disposent d’un droit d’option, qui s’apprécie salarié par salarié, pour justifier de leurs obligations et éviter d’avoir à verser l’abondement correctif :

  • Soit : ils appliquent la règle issue de la loi du 5 septembre 2018, en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et d’au moins une formation autre qu’une formation « obligatoire ».
  • Soit : ils appliquent la règle issue de la loi du 5 mars 2014, en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et au moins de deux des trois mesures suivantes : formation, acquisition d’éléments de certification et de progression salariale ou professionnelle.
Quels sont les salariés concernés par l’abondement correctif ?

Le respect des dispositions de l’article L. 6323-13 du Code du travail nécessite de se placer sur une période de 6 ans courant à compter du 7 mars 2014 calquée sur l’ancienneté du salarié.

1/ Depuis le 7 mars 2020 et jusqu’au 31 décembre 2020, l’application est glissante et fonction de ce que chaque salarié ait atteint ou non 6 ans d’ancienneté. Avant le 31 décembre 2020, il convient de vérifier, pour chaque salarié ayant une ancienneté au minimum de 6 ans, s’il est respecté le dispositif :
● soit selon l’article L. 6323-13 dans sa rédaction issue de la loi de mars 2014 ;
● soit selon l’article L. 6323-10 dans sa rédaction issue de la loi de septembre 2018.

2/ À compter du 1er janvier 2021, l’application sera également glissante et fonction de ce que chaque salarié ait atteint ou non 6 ans d’ancienneté. Toutefois, l’employeur n’aura à verser un abondement correctif que s’il manque aux conditions cumulatives suivantes :
● obligation de faire bénéficier au salarié une formation non obligatoire ;
● réalisation de 2 entretiens professionnels + un entretien récapitulatif.

Il est à noter que l’abondement correctif d’un montant de 3.000 euros n’est pas susceptible d’être proratisé pour les salariés à temps partiel.

Que faire avant le 31 décembre 2020 ?
#1 Réaliser les entretiens professionnels ou entretiens récapitulatifs

Les entretiens professionnels (ou l’entretien des lieux récapitulatifs) doivent, en principe, avoir lieu tous les 2 ans de date à date (par exemple : 15 mars 2016 / 15 mars 2018 / 15 mars 2020).

L’ordonnance prise pendant l’épidémie de Covid-19 a laissé un peu de répit aux employeurs en précisant que l’entretien professionnel faisant un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié intervenant au cours de l’année 2020 pouvait avoir lieu jusqu’au 31 décembre 2020.

Si cela n’a pas déjà été fait, nous vous invitons sans tarder à réaliser un entretien professionnel ou entretien récapitulatif avant le 31 décembre 2020 pour tous les salariés concernés.

#2 Vérifier pour chaque salarié le respect ou non des dispositions légales

Pour souci de sécurité juridique, il a été créé une période transitoire au cours de laquelle le respect des dispositions (évitant d’avoir à payer l’abondement correctif) s’apprécie, sur option de l’employeur, selon le dispositif issu de la loi de 2014 ou de la loi de 2018.

Nous vous invitons à vérifier, pour chaque salarié, si vous avez satisfait aux obligations en matière d’entretien professionnel en fonction de l’un ou l’autre de ces dispositifs.

#3 Élaborer un calendrier prévisionnel des entretiens professionnels à réaliser en 2021

Compte tenu des enjeux financiers de ces obligations et du caractère strict de la règlementation applicable, nous vous invitons à élaborer un calendrier prévisionnel des entretiens professionnels à réaliser au cours de l’année 2021 pour ne pas y manquer.

Quand verser l’abondement correctif ?

En cas de manquement, ce qui suppose de vérifier la situation concrète de l’ensemble des salariés ayant au minimum 6 ans d’ancienneté (de manière glissante), l’employeur adresse spontanément à la Caisse des dépôts et consignations le montant de l’abondement ainsi que le nom et les données d’identification du salarié bénéficiaire (C. trav., art. R. 6323-3). Pour les manquements constatés en 2020, cela devra être effectué avant le 1er mars 2021.

Précisons que l’administration considère dans sa dernière circulaire Q/R relatif aux entretiens professionnels que l’abondement doit être versé au CPF du salarié dès lors qu’il aurait été par exemple oublié de faire un seul entretien professionnel.

Eu égard aux termes de l’article L. 6323-13 du Code du travail, cette interprétation nous semble quelque peu critiquable et extensive ; reste qu’elle est la position la plus sécurisée et évitant tout doublement de l’abondement en cas de contrôle (6.000 euros) et de paiement de majorations de retard.

Selon les structures, des arbitrages devront certainement être opérés.

Actualité à noter : dans un arrêt très récent du 16 septembre 2020, la Cour de cassation a rappelé que l’employeur est tenu d’assurer au salarié, outre l’adaptation à son poste de travail et veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi, un entretien professionnel tous les deux ans. Ainsi, la Cour d’appel ne saurait rejeter la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation légale et conventionnelle de formation et d’entretien professionnel en retenant que, quand bien même le salarié n’aurait eu aucun entretien professionnel depuis 2014, il n’a sollicité aucune formation d’adaptation à son poste de travail et s’est limité à revendiquer un positionnement qui ne correspondait pas à son niveau de compétence (Cass. soc. 16 septembre 2020 no 18-19.889 F-D).

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#2 : Vérifications en matière d’hygiène, de santé et de sécurité

DEUXIÈME VOLET DE NOTRE SÉRIE « CHECK-LIST DES OBLIGATIONS SOCIALES AVANT LE 31 DÉCEMBRE » : LES VÉRIFICATIONS PRÉVENTIVES PÉRIODIQUES !

Si le contexte épidémique a mis en lumière toute la nécessité, pour l’employeur, de remplir ses obligations en matière de prévention des risques professionnels, il reste soumis à des obligations périodiques au-delà des contraintes sanitaires actuelles.

Il en va de sa responsabilité : éviter les risques, évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités, les combattre à la source, adapter le travail, veiller à l’adaptation des mesures pour tenir compte du changement des circonstances et des techniques, planifier la prévention et donner les instructions appropriées aux travailleurs… Autant de principes que recouvre l’obligation de sécurité de l’employeur.

Mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

L’évaluation des risques professionnels est la pierre angulaire de l’obligation de sécurité : le protocole sanitaire du 31 août 2020 en fait d’ailleurs le tout premier axe de priorité pour les employeurs.

En pratique, le DUERP – qui peut être par exemple un tableau Excel -contient les éléments suivants :

  • Les risques concernés ;
  • les situations à risque identifiées ;
  • l’importance de l’exposition au risque ;
  • les unités de travail et la proportion de salariés concernées ;
  • pour chacune d’entre elles, les mesures de prévention mises en œuvre.

Cette évaluation doit être effectuée pour chaque « unité de travail » (voir à ce sujet la présentation effectuée par l’ANACT).

Ce document doit être mis à jour dans trois situations : au moins chaque année, lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie et lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail[1].

À ne pas oublier : il est essentiel d’indiquer la date de chaque actualisation du document et de conserver une copie de chaque version.

Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, outre le risque de contamination, il convient de ne pas oublier les autres risques physiques et psychiques afférents au contexte épidémique (isolement, RPS, posture en télétravail…). L’analyse des risques doit être effectuée régulièrement et le DUERP actualisé autant de fois que nécessaire.

Question fréquente : le CSE doit-il être consulté sur la mise à jour du DUERP ? Le CSE – et si elle existe sa CSSCT – a en effet une mission générale en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail, avec notamment compétence pour procéder à l’évaluation des risques professionnels et formuler des propositions. Toutefois, aucun texte n’impose à l’employeur de consulter le CSE préalablement à l’élaboration ou l’actualisation du document. Tout est question de contexte : en présence d’une décision d’aménagement important modifiant les conditions de travail (par exemple, un plan de reprise de l’activité avec une réorganisation des postes de travail), la mise à jour du DUERP fera nécessairement partie intégrante de la consultation du CSE. Concernant le contexte épidémique, la nécessité « d’associer » – ce qui n’implique pas forcément une consultation stricto sensu – le CSE à la définition des mesures de prévention ressort quasi systématiquement des ordonnances de référés rendues à ce jour.

Bilan annuel et plan de prévention

Dans le cadre de la consultation périodique sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, l’employeur doit élaborer et présenter au CSE :

  • un rapport annuel écrit faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et des actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines. Ce bilan peut être établi selon un modèle détaillé fixé par arrêté du 12 décembre 1985 ;
  • Sur la base de ce rapport et du DUERP, un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir qui comprennent les mesures de prévention des risques professionnels, ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution et l’estimation de son coût. Lorsque certaines des mesures prévues par l’employeur ou demandées par le CSE n’ont pas été prises au cours de l’année concernée par le programme, l’employeur doit énoncer les motifs de cette inexécution, en annexe au rapport annuel.

Le Code du travail envisage la présentation simultanée au CSE du bilan annuel et du programme annuel. Toutefois, il n’y a pas d’obstacle à ce que l’examen de ces deux documents soit séparé. S’agissant de leur date de présentation, aucune date précise n’est indiquée. L’administration recommande – ce n’est donc pas une obligation – de faire coïncider la présentation du programme annuel avec la période où sont effectués les choix budgétaires (Circ. DRT n° 93-15, 25 mars 1993).

Actualisation de la fiche d’entreprise

Dans tous les services de santé au travail, le médecin du travail ou l’équipe pluridisciplinaire établit et met à jour une fiche d’entreprise ou d’établissement, sur laquelle figurent notamment les risques professionnels et les effectifs de salariés qui y sont exposés. Elle est présentée au CSE en même temps que le bilan annuel de l’employeur à ce comité[2].

Outre les personnes habilitées pouvant souhaiter en prendre connaissance à tout moment, la date de la dernière actualisation de la fiche entreprise figure sur les modèles réglementaires d’avis d’inaptitude. En cas de carence du médecin du travail dans l’actualisation de la fiche entreprise, il convient donc de ne pas rester passif et de le solliciter à cet égard.

Contexte épidémique : du répit pour certaines formalités ?

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit notamment que :

  • Tout acte ou formalité prescrit par la loi ou le règlement à peine de sanction et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 (« période juridiquement protégée ») est réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (23 août 2020) ;
  • Les mesures administratives visées (autorisations, permis et agréments notamment) dont le terme vient à échéance au cours de la période protégée sont prorogées de plein droit jusqu’au 23 septembre 2020.

Dans une instruction du 15 mai 2020, la Direction générale du travail (DGT) a expliqué les impacts de ces dispositions quant aux modalités de report de certaines obligations périodiques de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail arrivant à échéance pendant cette période protégée. Il s’agit par exemple des vérifications des équipements ou du renouvellement des formations (incendie notamment).

La date limite de prorogation étant, selon les obligations concernées, fixée au 23 août ou 23 septembre, le répit fût de courte durée… Il convient donc désormais de s’assurer du respect de toutes ces formalités.

[1] Code du travail, article R. 4121-2
[2] Code du travail, article R. 4624-47 et s.

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Employeurs : check-list des obligations sociales avant le 31 décembre !