Catégories
Articles

#2 : Vérifications en matière d’hygiène, de santé et de sécurité

DEUXIÈME VOLET DE NOTRE SÉRIE « CHECK-LIST DES OBLIGATIONS SOCIALES AVANT LE 31 DÉCEMBRE » : LES VÉRIFICATIONS PRÉVENTIVES PÉRIODIQUES !

Si le contexte épidémique a mis en lumière toute la nécessité, pour l’employeur, de remplir ses obligations en matière de prévention des risques professionnels, il reste soumis à des obligations périodiques au-delà des contraintes sanitaires actuelles.

Il en va de sa responsabilité : éviter les risques, évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités, les combattre à la source, adapter le travail, veiller à l’adaptation des mesures pour tenir compte du changement des circonstances et des techniques, planifier la prévention et donner les instructions appropriées aux travailleurs… Autant de principes que recouvre l’obligation de sécurité de l’employeur.

Mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)

L’évaluation des risques professionnels est la pierre angulaire de l’obligation de sécurité : le protocole sanitaire du 31 août 2020 en fait d’ailleurs le tout premier axe de priorité pour les employeurs.

En pratique, le DUERP – qui peut être par exemple un tableau Excel -contient les éléments suivants :

  • Les risques concernés ;
  • les situations à risque identifiées ;
  • l’importance de l’exposition au risque ;
  • les unités de travail et la proportion de salariés concernées ;
  • pour chacune d’entre elles, les mesures de prévention mises en œuvre.

Cette évaluation doit être effectuée pour chaque « unité de travail » (voir à ce sujet la présentation effectuée par l’ANACT).

Ce document doit être mis à jour dans trois situations : au moins chaque année, lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque dans une unité de travail est recueillie et lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail[1].

À ne pas oublier : il est essentiel d’indiquer la date de chaque actualisation du document et de conserver une copie de chaque version.

Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, outre le risque de contamination, il convient de ne pas oublier les autres risques physiques et psychiques afférents au contexte épidémique (isolement, RPS, posture en télétravail…). L’analyse des risques doit être effectuée régulièrement et le DUERP actualisé autant de fois que nécessaire.

Question fréquente : le CSE doit-il être consulté sur la mise à jour du DUERP ? Le CSE – et si elle existe sa CSSCT – a en effet une mission générale en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail, avec notamment compétence pour procéder à l’évaluation des risques professionnels et formuler des propositions. Toutefois, aucun texte n’impose à l’employeur de consulter le CSE préalablement à l’élaboration ou l’actualisation du document. Tout est question de contexte : en présence d’une décision d’aménagement important modifiant les conditions de travail (par exemple, un plan de reprise de l’activité avec une réorganisation des postes de travail), la mise à jour du DUERP fera nécessairement partie intégrante de la consultation du CSE. Concernant le contexte épidémique, la nécessité « d’associer » – ce qui n’implique pas forcément une consultation stricto sensu – le CSE à la définition des mesures de prévention ressort quasi systématiquement des ordonnances de référés rendues à ce jour.

Bilan annuel et plan de prévention

Dans le cadre de la consultation périodique sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, l’employeur doit élaborer et présenter au CSE :

  • un rapport annuel écrit faisant le bilan de la situation générale de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise et des actions menées au cours de l’année écoulée dans ces domaines. Ce bilan peut être établi selon un modèle détaillé fixé par arrêté du 12 décembre 1985 ;
  • Sur la base de ce rapport et du DUERP, un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir qui comprennent les mesures de prévention des risques professionnels, ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution et l’estimation de son coût. Lorsque certaines des mesures prévues par l’employeur ou demandées par le CSE n’ont pas été prises au cours de l’année concernée par le programme, l’employeur doit énoncer les motifs de cette inexécution, en annexe au rapport annuel.

Le Code du travail envisage la présentation simultanée au CSE du bilan annuel et du programme annuel. Toutefois, il n’y a pas d’obstacle à ce que l’examen de ces deux documents soit séparé. S’agissant de leur date de présentation, aucune date précise n’est indiquée. L’administration recommande – ce n’est donc pas une obligation – de faire coïncider la présentation du programme annuel avec la période où sont effectués les choix budgétaires (Circ. DRT n° 93-15, 25 mars 1993).

Actualisation de la fiche d’entreprise

Dans tous les services de santé au travail, le médecin du travail ou l’équipe pluridisciplinaire établit et met à jour une fiche d’entreprise ou d’établissement, sur laquelle figurent notamment les risques professionnels et les effectifs de salariés qui y sont exposés. Elle est présentée au CSE en même temps que le bilan annuel de l’employeur à ce comité[2].

Outre les personnes habilitées pouvant souhaiter en prendre connaissance à tout moment, la date de la dernière actualisation de la fiche entreprise figure sur les modèles réglementaires d’avis d’inaptitude. En cas de carence du médecin du travail dans l’actualisation de la fiche entreprise, il convient donc de ne pas rester passif et de le solliciter à cet égard.

Contexte épidémique : du répit pour certaines formalités ?

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit notamment que :

  • Tout acte ou formalité prescrit par la loi ou le règlement à peine de sanction et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 (« période juridiquement protégée ») est réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois (23 août 2020) ;
  • Les mesures administratives visées (autorisations, permis et agréments notamment) dont le terme vient à échéance au cours de la période protégée sont prorogées de plein droit jusqu’au 23 septembre 2020.

Dans une instruction du 15 mai 2020, la Direction générale du travail (DGT) a expliqué les impacts de ces dispositions quant aux modalités de report de certaines obligations périodiques de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail arrivant à échéance pendant cette période protégée. Il s’agit par exemple des vérifications des équipements ou du renouvellement des formations (incendie notamment).

La date limite de prorogation étant, selon les obligations concernées, fixée au 23 août ou 23 septembre, le répit fût de courte durée… Il convient donc désormais de s’assurer du respect de toutes ces formalités.

[1] Code du travail, article R. 4121-2
[2] Code du travail, article R. 4624-47 et s.

Catégories
Articles

La santé et la sécurité au travail à l’aune du CSE

Article publié dans le magazine Direction[s] n° 170 de décembre 2018

Alors que de nombreux employeurs préparent encore leurs élections professionnelles pour la mise en place du comité social et économique (CSE), retour sur le rôle de cette nouvelle instance représentative du personnel en matière de santé et de sécurité au travail.

La fusion des instances représentatives du personnel issue de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 pose la question du sort de la santé et de la sécurité au travail, à l’heure où le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) disparaît en laissant la place au comité social et économique (CSE) doté, le cas échéant, d’une ou plusieurs commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). La liberté laissée aux partenaires sociaux dans la mise en place de la nouvelle instance ne doit pas éluder l’obligation de sécurité reposant sur l’employeur, qui reste omniprésente. En effet, la suppression du CHSCT n’a pas sonné le glas des prérogatives qui lui étaient dévolues, ces dernières ayant été transférées au CSE. Le législateur a voulu que celui-ci ait une approche globale sur tous les sujets, tenant compte à la fois de l’aspect économique et de la santé au travail. Relèvent donc de sa compétence :

  • l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs ;
  • la consultation en cas d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • l’examen du rapport et du programme annuels de prévention dans le cadre de la consultation sur la politique sociale ;
  • les enquêtes en matière dents du travail ou de maladie professionnelles (AT-MP) ;
  • l’examen de toute proposition de nature à améliorer les condi-tions de travail, etc.

Par ailleurs, quatre réunions du CSE doivent obligatoirement être consacrées, en tout ou partie, aux thématiques de la santé et de la sécurité.

Mise en place des CSSCT. Les CSSCT sont obligatoires :

  • dans les entreprises et établissements qui comptent au moins 300 salariés (une CSSCT centrale est requise dans les entreprises d’au moins 300 salariés disposant d’un CSE central).
  • dans les structures de moins de 300 salariés, l’inspecteur du travail peut imposer sa création « lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l’agence-ment ou de l’équipement des locaux ». Cette décision peut être contestée devant la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).
  • Dans les autres entreprises, ces instances ne sont pas obligatoires, mais peuvent être créées à titre facultatif.
  • La CSSCT est instituée dans le cadre de l’accord d’entreprise majoritaire déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts ou, en l’absence de délé-gué syndical, par un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires élus. À défaut, c’est le règlement intérieur du CSE qui en définit les modalités : nombre de membres, missions déléguées, modalités de fonctionnement, de formation, moyens, etc.
  • Les partenaires sociaux dis-posent donc d’une grande marge de manœuvre concernant la mise en place de ces instances afin de prendre en compte de manière optimale les aspects santé et sécurité au regard des spécificités de l’entreprise.
  • Il serait regrettable de faire l’impasse sur la CSSCT au seul motif qu’elle n’est pas imposée, notamment au niveau de l’établissement (cas très fréquent dans le secteur social, médico-social et sanitaire dont l’effectif des établissements dépasse rarement 300 salariés). Au contraire, si le fonctionnement des anciens CHSCT de chaque établissement distinct était positif, il pourrait être opportun d’instituer une CSSCT au niveau du CSE d’établissement. Dans le cas d’une entreprise multisites, il serait également judicieux, afin d’éviter de laisser un site sans interlocuteur local en matière de santé et sécurité, de mettre en place des représentants de proximité pour relayer les informations à la CSSCT centrale ou locale.

Leur composition. La CSSCT est présidée par l’employeur ou son représentant, qui peut se faire assister par des collaborateurs de l’entreprise mais extérieurs au CSE. Ensemble, ils ne peuvent pas être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires. L’accord (ou, à défaut, le règle-ment intérieur du CSE) fixe le nombre de membres de la commission. Celle-ci doit comprendre au minimum trois représentants du personnel, dont au moins un du 2e collège ou, le cas échéant, du 3e collège. Ils sont désignés par le CSE parmi ses titulaires ou suppléants, par une résolution prise à la majorité des présents, leur mandat prenant fin logiquement avec celui de membre élu du CSE. Des tiers (médecin du travail, agent de contrôle de l’inspection du travail, etc.) sont également invités et assistent aux réunions avec voix consultative.

Leurs missions. Il appartient au CSE de délé-guer à la CSSCT « tout ou partie de ses attributions relatives à la sécurité, la santé et aux conditions de travail », à l’exception du recours à un expert et de ses attributions consultatives (la CSSCT pourra toutefois suggérer un expert et préparer les avis du CSE). Son rôle consiste principalement à préparer les réunions du CSE sur les questions de santé et sécurité, en lui apportant l’information technique nécessaire afin d’effectuer un contrôle efficace des décisions de l’employeur et de faire des propositions pertinentes. Ce travail sera assuré pour autant que le CSE lui délègue ses prérogatives d’investigation. À savoir : le pouvoir d’enquête en cas de maladie professionnelle, d’accident du travail ou d’incident grave, et le pouvoir d’inspection permettant aux membres de la commission d’aller sur le terrain pour appréhender les problématiques liées aux conditions de travail et à la sécurité.
Au-delà, la commission a pour vocation d’intervenir en matière de prévention des risques et d’évaluation des dispositifs mis en place par l’entreprise, ce qui suppose d’avoir des membres suffisamment formés et intéressés par ces questions.

Enjeux de la négociation. Les employeurs qui néglige-raient les missions santé et sécurité du CSE ou le rôle de la CSSCT feraient une erreur stratégique. Ils seraient notamment exposés à des contentieux coûteux – le barème issu des ordonnances dites Macron étant inapplicable en cas de licenciement nul (par exemple, pour des faits de harcèlement moral ou sexuel, ou en cas de violation de la protection attachée au statut de victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle) – qui auraient pu être évités par une évaluation et une prévention des risques à la hauteur de ces enjeux.

Un budget spécifiquement consacré à la prévention des risques

Le secteur social et médico-social étant particulièrement touché par le nombre croissant d’arrêts de travail et d’invalidité, une politique de prévention efficace apparaît aujourd’hui comme un enjeu crucial. Dans ce contexte, l’avenant 347 du 21 septembre 2018 relatif au régime de prévoyance de la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66) instaure une obligation de consacrer un budget minimal à des actions réservées à la prévention des risques et à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie au travail. Cette nouvelle obligation (applicable rétroactivement à compter du 1er janvier 2018) implique la mise en place d’un plan d’actions (formations, intervention d’un ergonome, etc.), qui sera défini, pour les entreprises soumises aux consultations obligatoires récurrentes, dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale. Selon l’organisation d’employeurs Nexem, le niveau de l’établissement paraît le plus adapté pour porter des actions pragmatiques sur ces sujets. Cette position irait dans le sens de la mise en place d’une CSSCT à ce niveau, y compris quand elle reste facultative.

Steven Theallier
Avocat, Picard avocats

Références :
Code du travail, articles L2312-5, L2312-8, L2312-9, L2312-12, L2312-13, L2312-27, L2314-3, L2315-38, L2315-39, L2315-41 et suiv., L2316-36, L2316-37, L4121-1 et suiv.