Article publié dans le magazine Direction[s] n° 157 d’octobre 2017
Coquilles, erreurs concernant la rémunération, la qualification, les dates, la durée ou la nature du contrat… L’employeur peut dans certains cas signer unilatéralement un avenant afin de corriger le tir. Et d’éviter le passage devant les magistrats.
L’employeur peut-il revenir sur une erreur affectant les stipulations d’un contrat de travail déjà signé et qui lui est défavorable ? Cette interrogation n’est pas anodine dans le secteur sanitaire et social, sachant que les carences passées dans la rédaction des contrats peuvent avoir des con-séquences économiques désastreuses en cas de recours aux prud’hommes.
Répandue en droit civil et commercial, la notion d’erreur est terre de mystères pour le droit du travail. Pas seulement parce que ses rapports avec cette discipline sont peu explorés par les directions des ressources humaines et juridiques, mais surtout en raison de l’absence d’étude approfondie de la jurisprudence sociale en la matière. Or, la notion recèle de riches potentialités pour réparer légitimement les erreurs passées, qu’elles portent sur les éléments essentiels ou pas du contrat de travail.
Les erreurs matérielles pardonnées par les juges
Les erreurs reconnues en droit du travail sont nombreuses. Les juges ont à rectifier en général les fautes suivantes : coquilles rédactionnelles [1], montant et structure de la rémunération [2], qualification contractuelle [3] et classification professionnelle [4], dates de début [5] et de fin [6] d’un contrat de travail à durée déterminée, durée contractuelle mensuelle de travail [7], nature du contrat [8]. En clair, ils pardonnent les maladresses des employeurs.
Le traitement de l’erreur par les juridictions sociales
On peut ainsi distinguer deux cas de figure qui emportent des traitements différents par les juges. Le premier cas est le plus simple : l’erreur a débouché sur un contrat de travail incohérent, tant l’absurdité est manifeste. Par exemple, s’il est intitulé « contrat de travail à durée indéterminée », comme convenu dès le départ, mais stipulant les dates de début et de fin de la relation de travail.
Le deuxième cas est plus compliqué : c’est l’hypothèse d’une stipulation obscure menant à des compréhensions différentes. L’employeur et le salarié ont ensemble voulu quelque chose qu’ils ont mal exprimé ; une des parties s’accroche au texte et l’autre à son esprit, il y a décalage dans la volonté de la première et de la seconde. Dans cette situation, pour éclairer sa décision, le juge prendra en compte les pratiques internes de l’organisation, le comportement du salarié, mais aussi les pratiques externes : à savoir l’environnement et les pratiques du secteur d’activité.
L’avenant interprétatif, avec précaution
L’employeur peut-il, sans obtenir l’accord écrit du salarié, revenir unilatéralement sur une erreur matérielle contenue dans le contrat de travail sans passer par le juge ? La réponse est oui. Ce par la voie d’un « avenant interprétatif », signé par lui seul. Cette méthode a été approuvée par la jurisprudence [9] et n’a pas été considérée comme une modification unilatérale du contrat. Dans ce cas, en présence d’une simple rectification, la procédure relative à la modification du contrat n’est pas applicable.
Dans l’esprit des juges, cette méthode résulte d’une simple interprétation : il s’agit exclusivement d’éclairer de bonne foi le contenu du contrat de travail. La notion d’« erreur matérielle » laisse alors une certaine marge de manoeuvre à l’employeur, mais introduit également une source d’insécurité pour le salarié. En effet, cette disposition pourrait éventuellement conduire certains employeurs à rectifier des erreurs qui, en réalité, n’en sont pas… Impardonnable.
Et dans le secteur sanitaire et social ?
Par trois fois, les juridictions sociales ont reconnu des erreurs matérielles affectant les contrats de travail de salariés relevant du champ sanitaire et social. Dans deux affaires, il s’agissait d’erreurs rédactionnelles affectant le calcul et la composition de la rémunération [1]. Dans le troisième cas [2], il était question de rémunération liée à une erreur consécutive à une application volontaire et partielle de la convention collective de 1951.
[1] Cour d’appel de Rennes, 19 mai 2017
[2] Cour d’appel de Lyon, 31 mars 2011
Mehdi Gharbi,
Picard avocats
[1] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 23 juin 2005
[2] Cour d’appel de Papeete, 14 août 2014
[3] Cour d’appel de Bastia, 2 juillet 2014
[4] Cour d’appel de Nancy, 10 décembre 2014
[5] Cour d’appel de Rennes, 19 juin 2015
[6] Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2014
[7] Cour d’appel de Bourges, 2 décembre 2011
[8] Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2014
[9] Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-16.611 à n° 10-16.614