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La santé et la sécurité au travail à l’aune du CSE

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Article publié dans le magazine Direction[s] n° 170 de décembre 2018

Alors que de nombreux employeurs préparent encore leurs élections professionnelles pour la mise en place du comité social et économique (CSE), retour sur le rôle de cette nouvelle instance représentative du personnel en matière de santé et de sécurité au travail.

La fusion des instances représentatives du personnel issue de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 pose la question du sort de la santé et de la sécurité au travail, à l’heure où le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) disparaît en laissant la place au comité social et économique (CSE) doté, le cas échéant, d’une ou plusieurs commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT). La liberté laissée aux partenaires sociaux dans la mise en place de la nouvelle instance ne doit pas éluder l’obligation de sécurité reposant sur l’employeur, qui reste omniprésente. En effet, la suppression du CHSCT n’a pas sonné le glas des prérogatives qui lui étaient dévolues, ces dernières ayant été transférées au CSE. Le législateur a voulu que celui-ci ait une approche globale sur tous les sujets, tenant compte à la fois de l’aspect économique et de la santé au travail. Relèvent donc de sa compétence :

  • l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs ;
  • la consultation en cas d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • l’examen du rapport et du programme annuels de prévention dans le cadre de la consultation sur la politique sociale ;
  • les enquêtes en matière dents du travail ou de maladie professionnelles (AT-MP) ;
  • l’examen de toute proposition de nature à améliorer les condi-tions de travail, etc.

Par ailleurs, quatre réunions du CSE doivent obligatoirement être consacrées, en tout ou partie, aux thématiques de la santé et de la sécurité.

Mise en place des CSSCT. Les CSSCT sont obligatoires :

  • dans les entreprises et établissements qui comptent au moins 300 salariés (une CSSCT centrale est requise dans les entreprises d’au moins 300 salariés disposant d’un CSE central).
  • dans les structures de moins de 300 salariés, l’inspecteur du travail peut imposer sa création « lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l’agence-ment ou de l’équipement des locaux ». Cette décision peut être contestée devant la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).
  • Dans les autres entreprises, ces instances ne sont pas obligatoires, mais peuvent être créées à titre facultatif.
  • La CSSCT est instituée dans le cadre de l’accord d’entreprise majoritaire déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts ou, en l’absence de délé-gué syndical, par un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires élus. À défaut, c’est le règlement intérieur du CSE qui en définit les modalités : nombre de membres, missions déléguées, modalités de fonctionnement, de formation, moyens, etc.
  • Les partenaires sociaux dis-posent donc d’une grande marge de manœuvre concernant la mise en place de ces instances afin de prendre en compte de manière optimale les aspects santé et sécurité au regard des spécificités de l’entreprise.
  • Il serait regrettable de faire l’impasse sur la CSSCT au seul motif qu’elle n’est pas imposée, notamment au niveau de l’établissement (cas très fréquent dans le secteur social, médico-social et sanitaire dont l’effectif des établissements dépasse rarement 300 salariés). Au contraire, si le fonctionnement des anciens CHSCT de chaque établissement distinct était positif, il pourrait être opportun d’instituer une CSSCT au niveau du CSE d’établissement. Dans le cas d’une entreprise multisites, il serait également judicieux, afin d’éviter de laisser un site sans interlocuteur local en matière de santé et sécurité, de mettre en place des représentants de proximité pour relayer les informations à la CSSCT centrale ou locale.

Leur composition. La CSSCT est présidée par l’employeur ou son représentant, qui peut se faire assister par des collaborateurs de l’entreprise mais extérieurs au CSE. Ensemble, ils ne peuvent pas être en nombre supérieur à celui des représentants du personnel titulaires. L’accord (ou, à défaut, le règle-ment intérieur du CSE) fixe le nombre de membres de la commission. Celle-ci doit comprendre au minimum trois représentants du personnel, dont au moins un du 2e collège ou, le cas échéant, du 3e collège. Ils sont désignés par le CSE parmi ses titulaires ou suppléants, par une résolution prise à la majorité des présents, leur mandat prenant fin logiquement avec celui de membre élu du CSE. Des tiers (médecin du travail, agent de contrôle de l’inspection du travail, etc.) sont également invités et assistent aux réunions avec voix consultative.

Leurs missions. Il appartient au CSE de délé-guer à la CSSCT « tout ou partie de ses attributions relatives à la sécurité, la santé et aux conditions de travail », à l’exception du recours à un expert et de ses attributions consultatives (la CSSCT pourra toutefois suggérer un expert et préparer les avis du CSE). Son rôle consiste principalement à préparer les réunions du CSE sur les questions de santé et sécurité, en lui apportant l’information technique nécessaire afin d’effectuer un contrôle efficace des décisions de l’employeur et de faire des propositions pertinentes. Ce travail sera assuré pour autant que le CSE lui délègue ses prérogatives d’investigation. À savoir : le pouvoir d’enquête en cas de maladie professionnelle, d’accident du travail ou d’incident grave, et le pouvoir d’inspection permettant aux membres de la commission d’aller sur le terrain pour appréhender les problématiques liées aux conditions de travail et à la sécurité.
Au-delà, la commission a pour vocation d’intervenir en matière de prévention des risques et d’évaluation des dispositifs mis en place par l’entreprise, ce qui suppose d’avoir des membres suffisamment formés et intéressés par ces questions.

Enjeux de la négociation. Les employeurs qui néglige-raient les missions santé et sécurité du CSE ou le rôle de la CSSCT feraient une erreur stratégique. Ils seraient notamment exposés à des contentieux coûteux – le barème issu des ordonnances dites Macron étant inapplicable en cas de licenciement nul (par exemple, pour des faits de harcèlement moral ou sexuel, ou en cas de violation de la protection attachée au statut de victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle) – qui auraient pu être évités par une évaluation et une prévention des risques à la hauteur de ces enjeux.

Un budget spécifiquement consacré à la prévention des risques

Le secteur social et médico-social étant particulièrement touché par le nombre croissant d’arrêts de travail et d’invalidité, une politique de prévention efficace apparaît aujourd’hui comme un enjeu crucial. Dans ce contexte, l’avenant 347 du 21 septembre 2018 relatif au régime de prévoyance de la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66) instaure une obligation de consacrer un budget minimal à des actions réservées à la prévention des risques et à l’amélioration de la santé et de la qualité de vie au travail. Cette nouvelle obligation (applicable rétroactivement à compter du 1er janvier 2018) implique la mise en place d’un plan d’actions (formations, intervention d’un ergonome, etc.), qui sera défini, pour les entreprises soumises aux consultations obligatoires récurrentes, dans le cadre de la consultation annuelle sur la politique sociale. Selon l’organisation d’employeurs Nexem, le niveau de l’établissement paraît le plus adapté pour porter des actions pragmatiques sur ces sujets. Cette position irait dans le sens de la mise en place d’une CSSCT à ce niveau, y compris quand elle reste facultative.

Steven Theallier
Avocat, Picard avocats

Références :
Code du travail, articles L2312-5, L2312-8, L2312-9, L2312-12, L2312-13, L2312-27, L2314-3, L2315-38, L2315-39, L2315-41 et suiv., L2316-36, L2316-37, L4121-1 et suiv.

Amélie Nadin

Avocat

Amélie est titulaire du Master I  droit privé et carrières judiciaires de l’Université de Versailles Saint-Quentin et du Master II  droit des affaires et du commerce électronique de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Elle s’est spécialisée en droit social lors de sa formation à la Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC), durant laquelle elle s’est formée au sein d’un grand groupe français et d’un cabinet d’affaires. Après avoir prêté serment en 2019, elle exerce durant 5 ans au sein de deux grands cabinets parisiens spécialisés en droit social. Elle y développe sa pratique du contentieux social individuel et collectif, avant de nous rejoindre en 2024.

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