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[INTERVIEW] « Les ANI dotés d’une valeur juridique »

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Adressée par la confédération Axess, la demande d’agrément des 20 accords nationaux interprofessionnels (ANI) intervenus entre 2000 et 2021 a été validée par l’État. Avec quels effets ? Les explications de Stéphane Picard, avocat en droit social.

Interview de Stéphane Picard
Avocat Associé

Quelle est la conséquence juridique de cet agrément ? 

Stéphane Picard. Son but premier est de garantir la soutenabilité financière de ces ANI, mais aussi, sous l’impulsion de la Cour de cassation, de les doter d’une valeur juridique pour le secteur. Jusqu’ici, les gestionnaires n’étaient pas concernés par ces accords conclus dans le champ de l’interprofessionnel. L’adhésion de leurs représentants Nexem et Fehap à la Confédération des PME (CPME) en 2019 et 2020, suivie aujourd’hui de cet agrément, change la donne : ces ANI devraient désormais être appliqués par les gestionnaires du champ. 

Quelles seront les incidences ? 

S. P. Aucune pour la plupart de ces accords qui n’ont, en majorité, qu’une vocation de cadrage ou ont déjà été transposés dans le Code du travail. En revanche, celui sur letélétravailconclu le 26 novembre 2020 par exemple pourrait avoir des conséquences financières. Il prévoit qu’il appartient à l’entreprise de prendre en charge, après validation de l’employeur, les dépenses engagées par le salarié…

Mais c’est surtout l’ANI sur la modernisation du travail qui pose question ?

S. P. Effectivement. Pour fixer le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle, son avenant du 18 mai 2009 prévoit de comparer les dispositions légales et conventionnelles relatives à l’indemnité de licenciement – les plus favorables devant être appliquées au salarié. Si cela n’aura aucun effet pour les adhérents de la convention collective nationale du 31 octobre 1951 (CCN 51) qui, depuis sa rénovation, ne comporte plus de dispositions particulières en la matière, ce n’est pas le cas de la CCN du 15 mars 1966 (CCN 66)-accords « CHRS ». Dans la majorité des situations, l’indemnité conventionnelle sera plus avantageuse que la loi, soit un mois de salaire par année d’ancienneté pour un cadre dans la limite de 12 mois – voire de 18 mois pour un directeur général ! [1] Résultat ? Ces gestionnaires, qui déjà peinaient à obtenir le financement de ces ruptures conventionnelles, risquent d’avoir encore plus de mal demain et, peut-être, de devoir renoncer à en signer de nouvelles. Sauf à les financer sur leurs fonds propres… Il y a fort à parier que dorénavant les licenciements pour faute grave pour abandon de poste seront privilégiés. Au moins en attendant une évolution législative concernant la prise en charge par Pôle emploi ou une éventuelle convention collective unique [2].

Arrêté du 19 août 2022

[1] Un demi-mois par année d’ancienneté pour un non-cadre dans la limite de six mois.

[2] Lire dans ce numéro p. 4

Propos recueillis par Gladys Lepasteur

Publié dans le magazine Direction[s] N° 213 – novembre 2022

Amélie Nadin

Avocat

Amélie est titulaire du Master I  droit privé et carrières judiciaires de l’Université de Versailles Saint-Quentin et du Master II  droit des affaires et du commerce électronique de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Elle s’est spécialisée en droit social lors de sa formation à la Haute Ecole des Avocats Conseils (HEDAC), durant laquelle elle s’est formée au sein d’un grand groupe français et d’un cabinet d’affaires. Après avoir prêté serment en 2019, elle exerce durant 5 ans au sein de deux grands cabinets parisiens spécialisés en droit social. Elle y développe sa pratique du contentieux social individuel et collectif, avant de nous rejoindre en 2024.

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