Article publié dans le magazine Direction[s] n° 154 de juin 2017
Qu’elle soit à l’initiative du salarié ou de l’employeur, la rupture de la période d’essai ne souffre pas l’approximation. Revue de détail des quelques idées reçues et pratiques malavisées qui nourrissent encore beaucoup le contentieux prud’homal, et qui peuvent coûter cher à l’employeur.
Il n’est pas possible de mettre fin à la période d’essai d’un salarié pour n’importe quel motif. Ni de rompre une relation de travail du jour au lendemain sans aucune procédure en pensant, même de bonne foi, être dans la période d’essai alors que celle-ci est terminée… Ces pratiques malencontreuses, sources inépuisables de litiges, ne cessent de nourrir le contentieux judiciaire en la matière. Pourtant, depuis la loi du 25 juin 2008, la période d’essai fait l’objet d’un véritable statut juridique et d’une définition légale. Le Code du travail dispose que la période d’essai « permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent ». Il est impératif de bien maîtriser les principes et règles de cet outil, afin de « transformer l’essai » à son avantage.
Exigence contractuelle
Il convient d’abord de rappeler qu’une période d’essai est inopposable à un salarié si celui-ci a déjà été embauché dans le passé sur des postes identiques, et ce, quelle que soit la nature des contrats antérieurs [1]. Par ailleurs, en cas de contrats à durée déterminée (CDD) successifs, la période d’essai doit être réduite proportionnellement à la durée globale des contrats. Dans l’hypothèse cette fois-ci de l’embauche d’un nouveau salarié, l’instauration d’une période d’essai ne se présumant pas, celle-ci doit être formellement prévue par le contrat de travail. Sans accord exprès, il ne peut y avoir de période d’essai, et le salarié est considéré comme étant embauché définitivement dès le premier jour [2].
Une période d’essai est inopposable à un salarié si celui-ci a déjà été embauché sur des postes identiques.
Respecter les durées prévues…
Le Code du travail indique une durée maximale de la période, qui varie selon la catégorie professionnelle à laquelle le salarié appartient et la nature de son contrat. Dans le cadre d’un CDD, elle est proportionnelle à celle du contrat :
Concernant les contrats à durée indéterminée (CDI), la période d’essai ne peut initialement excéder : un jour travaillé par semaine, dans la limite de deux semaines civiles, pour les contrats de moins de 6 mois ; un mois pour les contrats de plus de 6 mois.
Ces durées peuvent être renouvelées une fois, la durée totale de la période d’essai ne pouvant dépasser respectivement quatre mois pour les premiers ; six mois pour les deuxièmes ; huit mois pour les derniers.
Pour être licite, le renouvellement doit non seulement être prévu par un accord de branche étendu [3] (un accord d’entreprise n’est donc pas valable), mais également par le contrat de travail. En outre, il nécessite l’accord exprès du salarié et ne peut donc résulter d’une décision unilatérale de l’employeur. Enfin, cet accord doit être demandé au cours de la période d’essai initiale avant son expiration [4].
… et le délai de prévenance
Le salarié à l’origine de la rupture doit respecter un délai de prévenance dont la durée est de 48 heures réduite à 24 heures lorsque son ancienneté est inférieure à huit jours. Lorsque l’initiative vient de l’employeur, le professionnel est averti dans un délai qui ne peut être inférieur à :
L’inobservation de ce délai par l’employeur n’entraîne pas automatiquement la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse [5], tant que l’essai a été rompu avant son terme. Dans cette hypothèse, l’employeur doit verser au salarié une indemnité compensatrice égale aux salaires et avantages correspondant à la durée du délai de prévenance non exécuté, indemnité compensatrice de congés payés comprise [6]. Dans le cas contraire, le respect du délai de prévenance prolongeant le terme théorique de l’essai donne naissance à un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui ne peut être rompu à l’initiative de l’employeur que par un licenciement [7].
Les ruptures abusives ou irrégulières sanctionnées
Cette interruption n’obéit pas aux règles communes s’appliquant aux contrats de travail. L’employeur peut donc mettre fin à l’essai de façon discrétionnaire, sans énoncer de motifs, mais à condition qu’il se repose sur une appréciation des aptitudes du salarié. À cet effet, les circonstances entourant la rupture ne doivent pas révéler une attitude discriminatoire de l’employeur. Ce serait le cas par exemple s’il est établi que ce dernier a mis fin au contrat pour les motifs suivants : situation de grossesse, opinion syndicale, religieuse, situation de famille.
On parle également de rupture abusive lorsqu’elle procède d’une intention de nuire, a été détournée de sa finalité, ou en cas de légèreté blâmable.
Les circonstances entourant la rupture ne doivent pas révéler une attitude discriminatoire de l’employeur.
Enfin, si l’employeur décide de rompre pour un motif disciplinaire ou économique, il doit obligatoirement respecter les procédures de licenciement adaptées (bénéfice des mesures du plan de sauvegarde de l’emploi, convocation à entretien disciplinaire…).
Qu’elle soit utilisée pour raison d’essai non concluant ou pour un autre motif, la vigilance et l’anticipation sont les atouts d’une rupture maîtrisée.
Mehdi Gharbi,
Picard Avocats
[1] Cass. soc., 26 févr. 2002, n° 00-40.749
[2] Cass. soc., 10 avril 2013, n° 11-25.652
[3] Dans la branche sanitaire sociale et médico-sociale à but non lucratif (Bass), l’accord Unifed signé en juin 2009 avec la CFTC et CFE-CGC pour introduire le principe du renouvellement des périodes d’essai a fait l’objet d’une opposition majoritaire (CFDT, CGT et FO). Il est donc réputé non écrit.
[4] Cass. soc., 17 janvier 1995, n° 91-43.011
[5] Cass. soc., 23 janvier 2013, n° 11-23.428
[6] Ordonnance n° 2014-699 du 26 juin 2014, art. 19
[7] Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18.114